Le défi d’une première rentrée scolaire à l'étranger

Rédigé le 26/09/2023
Audrey Thomas

Article écrit par Audrey Thomas (psychothérapeute)



Pour beaucoup d’entre nous et notamment pour nos enfants, la rentrée scolaire est une grande source de stress. Les vacances terminées, « il faut reprendre le rythme ». « Il faut » se caler à nouveau sur les horaires de l’école, des activités, du travail... Prévoir, planifier, calculer, gérer, et ce, pour que rien n’échappe à notre contrôle ou le moins possible ! Cette petite phrase sonne le glas de la liberté et du lâcher-prise, de l’accalmie voire de la paix retrouvée... un temps ! La rentrée nous ramène à toutes les obligations et les devoirs qui nous incombent nous faisant vivre un panel d’émotions.

Quand la rentrée est conjuguée avec expatriation, rares sont les enfants qui échappent aux sentiments d’angoisse que génère la peur de l’inconnu. Ces craintes sont encore plus grandes. Car si nous, adultes, avons su développer des ressources pour faire face à nos propres mouvements intérieurs, nos enfants, eux, ont besoin de notre aide. Il faut éviter qu’ils ne subissent trop fort un changement qui, pour eux, n’a pas les mêmes attraits que ceux qu’on leur promet. Ils peuvent connaître une solitude profonde ou ressentir une grande tristesse. Quand nous voulons les convaincre du bien-fondé de notre décision nous risquons de ne pas être tout à fait à l'écoute de leurs sentiments. A l’instar de ce que vivent leurs parents, entre excitation de la découverte et appréhension des défis à venir, les enfants expatriés peuvent se sentir tiraillés entre la curiosité d’un nouvel environnement et cette fameuse peur de l’inconnu. C’est tout un univers d’interrogations qui se dresse devant eux jusqu’à, pour certains, hanter leurs pensées.

Le déménagement est parmi les évènements de vie qui font vivre le stress de la plus intense des manières. Changer de maison, d’école, de professeurs, de camarades, l’expérience est loin d’être simple à gérer et induit pour l’enfant une perte d’un grand nombre de ses repères, une rupture considérable dans ses relations. Ce qui rend plus compliqué ce moment de transition qu’est la rentrée pour l’enfant expatrié, c’est qu’aux questions qu’il se pose sur son adaptation dans sa nouvelle classe, sa nouvelle école, sa capacité à se faire de nouveaux camarades, s’ajoute la question de son intégration dans un nouveau pays, une autre culture. Selon le choix de l’établissement fait par ses parents, il pourra être inquiet de la langue parlée, différente parfois de sa langue maternelle. Il craindra de ne pas comprendre ou être compris par les autres, de ne pas se sentir à sa place. Les routines, les méthodes d’enseignement, les récréations et leurs jeux peuvent être radicalement différents de ce qu’il connait. Les premiers jours d’école sont donc souvent chargés d’une avalanche d’émotions car l’enfant en manque de repères familiers, peut être amené à perdre confiance et douter de lui. Aussi, bien que préoccupés par leur propre adaptation, les parents doivent être particulièrement attentifs à celle de leurs enfants. Il est essentiel de reconnaître que, bien que les enfants puissent être résilients et capables de s’adapter rapidement, ils peuvent aussi ressentir une grande insécurité face à tant de nouveautés. Cette insécurité ne se manifeste pas bien-sûr de la même façon selon l’âge de l’enfant mais on peut affirmer qu’à tout âge ce dernier ressent inévitablement le changement. Cependant plus il est jeune, plus son adaptation est facile. Quelques semaines seulement peuvent suffire aux plus petits pour rebondir. La période du primaire peut être délicate, les enfants ayant créé, pour certains tout le temps de la maternelle, leur cercle de copains. Ces derniers jouent un rôle très important pour la construction de l'identité et la séparation peut alors s’avérer cruellement douloureuse.



Il est important de communiquer avec eux et de les rassurer sur leurs capacités d’adaptation, de valoriser chaque petite victoire, chaque nouvel ami, chaque journée réussie ; de les encourager à partager leurs ressentis, leurs peurs, mais aussi leurs découvertes et leurs joies. On peut profiter du temps du dîner, si ce n’est tous les soirs le plus souvent possible, pour les inviter à nous raconter 3 petits bonheurs, une fierté... Participer en tant que parents à ce rituel est un bon moyen de les engager à explorer leur propre vécu, à interroger leurs émotions aussi. En partageant notre expérience et nos émotions, nous leur faisons le cadeau de les autoriser à laisser vivre les leurs.

Les enfants vivent des émotions intenses à travers le vécu d’une rentrée en tant qu’expatriés, ils se confrontent au deuil de leur environnement « d’avant » et comme pour les phases d’un deuil, ils peuvent passer par des épisodes de colère. Prévoir du temps pour leur permettre de l’exprimer, les autoriser à la manifester (selon son cadre éducatif) peut apporter de la reconnaissance à leur ressenti et ainsi les soulager.

L’adolescent peut se montrer particulièrement en colère. Mis à l’épreuve non seulement de l’expérience des changements physiques et psychologiques liés à cette phase de la vie, il l’est aussi de la rupture avec son réseau de liens et d’activités. Il peut souffrir de ne pas avoir choisi cette cassure et éprouver une grande injustice. Pour cacher sa tristesse, il s'exprimera alors davantage par les cris que par les pleurs. Il pourra alors être aidant de réfléchir ensemble à la façon de créer des espaces de familiarité au milieu de l’inconnu. Cela pourra donc être en instaurant des routines familiales, en leur proposant de profiter ensemble des richesses du pays qui les accueille mais aussi en conservant certaines traditions du quotidien de leur pays d’origine. Les autoriser à maintenir le lien avec les amis quittés, via les réseaux sociaux, peut leur apporter beaucoup de réconfort. Cela se fera selon les règles familiales établies ! Il sera plus facile de leur faire accepter leur nouvel environnement et entrevoir les opportunités qu’il offre en les aidant à prendre conscience qu’il est possible de faire cohabiter leurs deux mondes.

Alors qu’il voit son monde disparaître dans des cartons, l’enfant aimera, par exemple, retrouver ses tableaux disposés dans sa nouvelle chambre de manière semblable autour de son lit. On peut aussi l’encourager à la création d’un cadre ou d’un espace de photos de leurs meilleurs amis et de leurs plus beaux souvenirs. En faisant ainsi participer les petits ou les plus grands à l'écriture du début de leur nouvelle aventure, on peut limiter les craintes et les pleurs. Les achats de rentrée, la sélection d’une tenue «spéciale» dans laquelle il se sentiront le plus en confiance possible, la rencontre anticipée de futurs camarades ou la visite des nouveaux lieux sont autant de clés susceptibles de réduire leur niveau d’anxiété. Face à ce qu’ils ne connaissent pas, et qu’ils ne peuvent qu’imaginer, certains enfants anticipent parfois « le pire ».

La première rentrée scolaire à l'étranger est bien plus qu’une simple reprise des cours. C’est une immersion dans un nouvel univers, avec tous les défis et toutes les chances que cela implique. Les parents expatriés feront alors de leur mieux pour accompagner leurs enfants, petits et grands, pour les soutenir et les guider à travers cette aventure.


Article écrit par Audrey Thomas (psychothérapeute)