Murillo et sa toile “Le Jeune Mendiant”

Rédigé le 18/01/2024
Frederic André

Jonglant habillement avec réalisme et poésie, Bartolomé Esteban Murillo est incontestablement et avant tout l’un des grands maîtres de la peinture religieuse. Dans la lignée de ses prédécesseurs Zurbarán et Velasquez, le grand peintre baroque veillait à rendre dans ses œuvres certains de nombreux détails sordides. C’est le cas dans cette peinture hautement symbolique, “Le Jeune Mendiant”. Dans cette œuvre, il ne se passe rien. On est face à un jeune garçon qui se débarrasse des puces qui l’incommodent. On constate la saleté des pieds (d’ailleurs la peinture porte également le nom “Le Jeune Pouilleux ») et on conclut rapidement à l’extrême pauvreté du garçon. Il s’agit d’une scène du quotidien, un garçon qu’il a plus que certainement rencontré dans les rues de Séville. Ce mouvement de « réalisme cru » découle du courant artistique italien appelé « caravagisme ».



Dans cette peinture, l’artiste sévillan se plaît à mettre également en relief les motifs de natures mortes comme le panier et la cruche. Notons aussi, dans cette œuvre, les violents contrastes d'ombre et de lumière. Le gamin possède incontestablement une grâce propre désirée par l'artiste sévillan. Dans cette peinture remontant sans doute aux années 1645-1650, la lumière des rayons du soleil vient éclairer l'enfant placé dans une pièce très sombre. Il s’agit de la première représentation connue d'enfants des rues dans l'œuvre de Murillo, une série de scènes où des gamins pauvres mangent des fruits, jouent aux dés ou sourient simplement. Les critiques s’accordent et y voient une réalité cruelle traitée avec humanité par l’artiste. Dépassant la trivialité du sujet, il décide de poser un regard tendre sur un petit orphelin et choisit une palette élégante de couleurs allant de l’ocre, au gris pâle… Il s’est inspiré de la misère régnant dans les rues de Séville en plein « siècle d'or ». La ville était un immense port où était autorisé le commerce avec l’Amérique où perles, or, argent, cuir, produits alimentaires rares, arrivaient en masse. S’y côtoyaient seigneurs bourgeois et vagabonds, riches et pauvres. La ville était également l’épicentre de l’Église Catholique. Omnipotent et riche, le clergé espagnol voit dans la cité une immense cathédrale et de nombreuses églises gothiques pousser comme des champignons. Les monastères s’y multiplient et renferment de nombreux trésors. Les artistes brillants de l’époque sont alors sollicités pour peindre avant tout des scènes religieuses.



Le Musée des Beaux-Arts de Séville (deuxième plus grande galerie d’art en Espagne) renferme une impressionnante collection de ses œuvres de Murillo. Une statue du peintre trône d’ailleurs sur la jolie place face au musée (Plaza del Museo).



Dans la capitale andalouse, un autre lieu abrite également plusieurs peintures de ce génie, il s’agit de l’ « Hospital de La Caridad ». Murillo et son œuvre baroque du jeune mendiant est donc une page de vie d’une époque d’effervescence pour la ville de Séville. La peinture continue à captiver et s’inscrit dans le courant artistique espagnol, le « ténébrisme » qui accentue les ombres et dramatise à coup de clair-obscur.