Et dominant les impressionnants canyons, le village de Sorbas

Rédigé le 14/06/2025
Frederic André


Ce petit village dont la population n’excède pas les 2 500 habitants mérite qu’on s’y attarde quelques heures. Il est situé en plein cœur du Parc Naturel Karst en Yesos de Sorbas, dans le couloir subdésertique de Tabernas-Sorbas, une zone qualifiée de plus aride d’Europe. Le paysage, pouvant paraître monotone, composé de déserts, renferme pourtant en son antre un monde souterrain impressionnant, façonné par l’action de pluies millénaires sur la roche de gypse. On y découvre un réseau impressionnant de gouffres s’ouvrant à la lumière et des cavités souterraines où d’innombrables formations cristallines (stalagmites, stalactites, coraux, etc.) créent l’enchantement dans les profondeurs de la terre. La particularité de ce village est sa situation : c’est dans un méandre encaissé de la rivière Aguas qu’il se loge. Dans un paysage d’une rare beauté, se dressent ses maisons suspendues. Sorbas vous surprendra…

Au fil des millénaires, la rivière s’est enfoncée dans des canyons profonds. Les eaux de pluie et les phénomènes d’érosion ont également participé à la création de cavités et de grottes comme celle de l’Agua (la plus grande, elle mesure près de huit kilomètres), celle de Covadura (la plus profonde, située à plus de cent vingt mètres sous terre), ou encore celle du Trésor (Cueva del Tesoro, probablement la plus belle). Cette histoire géologique remonte à six millions d’années, époque où les eaux de la mer se sont retirées. Sorbas porte aussi le surnom de « Cuenca Chica », en lien avec sa série de maisons suspendues sur le ravin de l’Afa, rappelant celles de la ville castillane-manchega de Cuenca. L’origine du nom du village découle de l’arabe et signifie « marmite ou pot de sable », probablement en lien avec les vases en argile réfractaire fabriqués lors du Néolithique dans la zone. D’innombrables vestiges marquent la présence des hommes dans les grottes autour de Sorbas lors de la Préhistoire. La Grotte du Trésor et celle de Mela ont été de véritables écrins à ces trésors du passé retrouvés. Plus tard, les Phéniciens ont développé des relations commerciales avec le peuple ibère présent, et ce sont ensuite les Romains qui ont conquis ces terres. Viendront les périodes de l’Al-Andalus et du royaume nasride, avant une reconquête par les souverains catholiques en 1488. Les années qui suivront verront de nombreuses tensions naître entre la population morisque et les chrétiens. Un soulèvement des convertis au catholicisme éclatera le jour de Noël en 1568 et se répandra dans tout l’ancien royaume de Grenade comme une traînée de poudre. Après cet épisode et sous les ordres de Don Juan d’Autriche, les morisques seront contraints de quitter la péninsule Ibérique, et un repeuplement débutera avec une vingtaine de familles provenant de Cazorla, Jaén, Linares et Tolède.

 

La période préindustrielle du milieu du XIXe siècle a vu le village devenir un fief de la poterie, avec plus d’une vingtaine de fabriques. La production importante pouvait être facilement écoulée à travers le port d’Almeria situé non loin du village.

La céramique est donc ancrée dans le patrimoine de Sorbas. N’hésitez pas d’ailleurs, cher lecteur, à pousser les portes de l’atelier de céramique de Juan Simón (Alfarería Juan Simón, Calle San Roque, 21) pour y découvrir ses magnifiques créations. Toujours en lien avec son héritage historique, Sorbas dispose toujours d’un four arabe, encore en activité aujourd’hui, utilisé pour la cuisson de pièces d’argile.

 

Le village almérien, que certains qualifient de « Petit Ronda », se loge donc dans un espace naturel composé de steppe aride, où certaines espèces endémiques de fleurs peuvent être croisées lors de votre balade, comme le narcisse de Sorbas. Des lauriers roses, des peupliers blancs, des joncs vous y attendent, et peut-être aurez-vous la chance, cher lecteur, de croiser la tortue mauresque au détour des ravins rocheux.