Bien qu’elles trouvent leurs origines dans l’hexagone, les crèches espagnoles que l’on appelle belenes sont bien loin de celles que l’on retrouve en France. Esprit Sud vous en dit plus…
La tradition des belenes dans la péninsule ibérique revête une importance capitale alors que débarque la période des fêtes de fin d’année et ce, depuis des siècles. Chaque année, d’immenses belenes poussent comme des champignons aux quatre coins des villes et villages et dans les chaumières. Des belenes sont en effet installées dans les espaces publics, dans les édifices religieux mais aussi en plein cœur des maisons afin d’y créer de réels instants de magie. Même si à première vue, elles évoquent nos fameuses crèches françaises, elles s’en distinguent véritablement.
Un petit cours d'histoire nous permet de comprendre le phénomène et surtout de se plonger dans cette belle tradition.
Tout d’abord, intéressons-nous à l’étymologie du mot belen, il s’agit du mot espagnol pour désigner Bethléem, la ville de Cisjordanie (dans les territoires actuellement occupés par les Palestiniens, à une dizaine de kilomètres de Jérusalem) où serait né, d’après la Bible, Jésus de Nazareth. Ce lieu est devenu au cours du temps la destination d’un pèlerinage pour de nombreux chrétiens.
Au XIVème siècle, on retrouve les traces de nonnes originaires de France, installées dans des couvents franciscains en Castille. Celles-ci créent les premières belenes artisanales au départ de minuscules objets. Au siècle suivant (1475), en Catalogne cette fois, des archives de l’époque attestent de la présence d’un vendeur français installé sous le portique de l’Église Santa Cataluna de Barcelona, vendant des figurines inspirées des santons provençaux.
D’autres documents trouvant leurs origines en 1585 donnent de nombreuses précisions sur les caractéristiques de ces figurines et sur leur fabrication en terre glaise.
Durant les 17ème et 18ème siècles, le phénomène des belenes se répand comme une traînée de poudre et leur fabrication devient un véritable art, impliquant de talentueux artisans. L’art “beleniste” croît de manière exponentielle avant tout grâce aux ordres religieux mais Charles III et toute la noblesse joueront également un rôle dans son succès.
Les premières belenes recréant la nativité sont installées sous le retable des églises et cathédrales alors qu’arrive la période de Noël.
Les XIXème et XXème siècles voient évoluer cette tradition et d’une « nativité représentative », la mode passe à la création de lieux complets, de villages typiques du Ier siècle après Jésus Christ avec une certaine interprétation, cela va sans dire. Il faut reconnaître que ces reproductions ne sont pas à l’image supposée « réelle » de cette naissance de Jésus, ni de la Palestine de l’époque. Un style oriental envahit souvent les belenes, mélange original de la Palestine mais également d’autres lieux et d’autres peuples.
La liberté est totale et les personnages antiques et contemporains se côtoient dans des belenes, souvent très originales.
Elles n’ont cessé d’évoluer et ont gagné en popularité au cours des deux derniers siècles. La gamme des matériaux utilisés est large (des chiffons, du papier, de la terre glaise, du bois, …) et les perspectives ne sont pas toujours respectées.
L’originalité est sans borne et on retrouve par exemple dans certaines belenes andalouses, à Grenade ou Cadix, un monde gitan recréé.
Sont créées les premières associations de belenistas, des études du phénomène sont menées et des expositions apparaissent.
Le belenismo devient l’art de la construction de ces figurines miniatures et de véritables villages sont reconstitués. Paroisses, diverses associations, collèges, mairies, confréries participent à l’élaboration de ces belenes.
Tous contribuent à faire perdurer cette tradition et cet art à part entière. L’art des belenes est devenu l’outil numéro un de la promotion des attachantes traditions liées à Noël.
En 2024, apparaissent des belenes contemporaines, pleines
d'imagination et loin des premières élaborations traditionnelles.
Playmobil, mécanismes lumineux, systèmes électroniques, créations chocolatées, il n’existe plus la moindre limite, ce qui atteste de l’existence d’un véritable phénomène. Bien entendu, l'objectif initial reste le même, il s’agit de recréer la vie quotidienne de Bethléem au Ier siècle de notre ère.
Alors, profitez chers lecteurs de cette période de fin d’année pour visiter notamment à Malaga ces installations plus originales et plus impressionnantes, les unes que les autres.
Celle proposée par la Ayuntamiento est bluffante, celle de la Manquita (la cathédrale) impressionne et la petite exposition proposée dans la salle 2, Mingorance del Archivo Municipal (Alameda Principal, N°23) est très originale.
Dans le petit village de Rute, niché en pleine campagne cordouane, le Musée du Chocolat vous propose une version géante en chocolat alors que le Musée du Sucre du même village, La Flor de Rute, vous en propose une version gigantesque en sucre.
A Séville, au pied de la cathédrale, se tient le mois de décembre un marché artisanal où les échoppes sont toutes consacrées à des artisans proposants des accessoires pour compléter et enrichir les belenes des Sévillans, une expérience curieuse et très originale !
Quant à la référence ultime en matière de belenes, elle se niche à Mollina, non loin de Antequera, où un véritable musée géant vous attend avec des belenes de toutes les origines et de toutes les tailles. Les Espagnols font perdurer cet art traditionnel et nous régalent de leurs magnifiques créations lors de cette période tant appréciée de l’année. L’Andalousie gagne encore un peu plus de magie avec ces créations qui illuminent le regard de petits et grands…