Une Française à la tête d’une école de flamenco à Séville !

Rédigé le 16/10/2024
Frederic André


Animée par la passion de cet art auquel elle se consacre depuis près de 15 ans, Charlotte Petitfour alias Charli la Tornillo (son pseudo dans le milieu) a partagé avec notre équipe un moment privilégié pour évoquer son lien avec le flamenco, son parcours d’artiste de rue (el arte callejero en Sevilla) et ses projets en lien avec son école de flamenco, « El Rincon de la Tornillo » située Calle Aceituno à Séville, dans le quartier San Julian. Victime d’un grave accident à l’âge de 19 ans, cette Vosgienne, passionnée par la danse depuis la tendre enfance, voit son rêve voler en éclats. Ses deux pieds brisés la conduisent à une longue convalescence et rééducation. Elle reprend progressivement la voie de la réhabilitation en participant à un spectacle où elle danse avec des chevaux dans le sable dans le cadre d’une chorégraphie contemporaine. Lors d’un festival espagnol de musique auquel elle participe dans l’est de la France, elle assiste pour la première fois à un spectacle de flamenco et c’est une véritable révélation. Elle se reconnaît immédiatement dans cet art, apprécie la beauté du mouvement des mains des danseuses et tombe en amour pour cette discipline. Elle veut tout connaître du flamenco, veut se former avec les meilleurs et met le cap sur l’Andalousie. D’abord, elle dépose ses valises à Grenade où elle passe deux années et prend ensuite la direction de Séville pour intégrer une grande école professionnelle de flamenco. Elle devient alors Charli la Tornillo. Elle choisit cet apodo comme un pied de nez au destin (tornillo veut dire vis, comme celle qu’elle a dans l’astragale du pied droit). Celle qui pensait être dévouée corps et âme au jazz et à la danse contemporaine, se sent happée par le flamenco qu’elle définit comme « l’expression du sentiment très triste mais parfois très joyeux aussi à travers le corps et la guitare ». De sa souffrance et de cet accident dramatique, telle une Frida Kahlo des temps modernes, elle parvient à puiser l’énergie nécessaire pour avancer et évolue depuis plus d’une décennie dans un milieu plutôt fermé, très compétitif et élitiste. Après plusieurs années à performer dans les rues de Séville pour joindre les deux bouts, elle ouvre son école de danse et multiplie les initiatives. Elle propose des cours de flamenco pour tous les âges et pour tous les niveaux. Ses sessions attirent principalement les locaux, les Espagnols. Dès l’âge de 2 ans et demi, les enfants peuvent être initiés et stimulés dans leur éveil musical et leur développement corporel.


Charli organise aussi des événements culturels dans son académie, mêlant la danse, mais aussi des autres disciplines artistiques. « Je suis impressionnée par le vivier d’artistes qui existe ici à Séville, côté flamenco bien entendu, mais dans d’autres domaines aussi. Dans ma ville d’adoption, je suis des cours de tango argentin depuis plus de six ans avec un professeur fabuleux. Qu’il s’agit du dessin, de la peinture, de la musique, Séville est une plaque tournante culturelle incontournable ». Alors que nous bouclons ces lignes, Charli fourmille de projets et a brillé avec ses élèves lors du flash mob de l'ouverture de la Biennale de Flamenco de Séville, sur les marches du Pavillon Mudéjar de la Plaza America. Les cours de flamenco qu’elle donne ont repris à la rentrée et en tant que musicienne en herbe, elle s'est remise à la trompette et au piano. Charli La Tornillo, aujourd’hui âgée de 38 ans, est à coup sûr, une artiste complète à l’énergie débordante qui n’a pas fini de nous surprendre !



Du tac au tac avec Charli !


Gipsy King ou Paco de Lucia ? Les deux, le choix est difficile. Ma mère m’a ouvert au flamenco à travers ce groupe et ce célèbre guitariste, j’opte pour les deux.

Flamenco pur ou fusion ? Fusion à condition que la maîtrise du flamenco pur par l’artiste est incontestable. Regardez Patricia Guerrero, l’une des plus douées de sa génération, mais aussi l’une des plus avant-gardistes et créatives, elle réussit à merveille la fusion.

Gitan ou payo (ce qui veut dire dans le milieu, "non gitan"). Les deux, mon opinion est que le milieu professionnel flamenco est difficile d’accès pour les non-gitans. Il existe une réelle méfiance et un conservatisme dans cette élite, mais des ouvertures existent et les mentalités ne peuvent qu’évoluer.

Soléa et petenera (palos) ou alegrìa ? 1 Je dirais également les deux, en fonction de mon humeur du jour.

Le flamenco de rue, stop ou encore ? La question est intéressante. Les dix dernières années ont vu les choses évoluer. Nous étions à mes débuts quelques filles à danser sur la Place d’Espagne ou aux abords de la Cathédrale. Il y a un véritable réseau qui s’est développé et cela a entraîné aussi une chasse aux artistes de rue par des policiers en civil qui n’hésitent pas à interrompre les performances des danseurs et à les contraventionner. Selon moi, ces artistes devraient obtenir un véritable statut et être protégés.