Sous la loupe : louer son bien en Andalousie !

Rédigé le 21/10/2024
Frederic André


Il est difficile de trouver l’équilibre parfait entre les besoins touristiques de l’Andalousie (avec cet apport économique majeur pour la région) et ceux d’une population locale désireuse, à juste titre, de conditions de vie optimales. Le tourisme est, il est clair, une industrie clé qui emploie des centaines de milliers de personnes en Andalousie. Mais la région fait face à un afflux des touristes jamais connu auparavant, combiné à une augmentation massive d’étrangers optant pour l’expatriation sur ses terres. Les Espagnols éprouvent de plus en plus de mal à trouver des logements à des prix corrects. Ils se confrontent à un manque d’appartements ou de maisons disponibles à la location, principalement dans les stations balnéaires et les spots touristiques. Des vagues de protestations anti-tourismes ont également vu le jour en 2024, du jamais vu et il n’en fallait pas plus que ces dernières semaines, les différents gouvernements (central ou andalou) axent leurs priorités sur cet épineux dossier afin d’établir un cadre légal permettant de rétablir un équilibre.


Une loi proposée par le gouvernement central

En mai 2024, est entrée en vigueur une nouvelle loi sur le logement en Espagne. L’objectif de ce nouveau cadre légal est avant tout le plafonnement des loyers et la promotion de locations abordables. Rétablir l’équité entre locataires et propriétaires mais aussi faciliter l’accès à tous à des logements abordables (tout en élargissant le parc des logements sociaux, taxant aussi les logements vacants) sont les volontés du gouvernement central espagnol de Pedro Sanchez afin d’encadrer enfin les loyers. Il s’agit donc d’une série de mesures visant la régularisation du marché et la mise en place d’un cadre dans un système flou où tout était possible. La Ley de Vivienda vise en effet à limiter le prix des loyers qui les dernières années, ont flambé. Cette nouvelle législation définit des zones qualifiées de «tendues» et d’autres qui le sont moins et établit aussi une distinction entre « petits » et « grands » propriétaires. Des nuances sont aussi apportées si le bien a été proposé ou non à la location les cinq dernières années. Par exemple, un «petit» propriétaire avec un logement déjà loué précédemment a pour référence le dernier loyer établi dans le contrat de location avec possibilité d’indexation annuelle. Un grand propriétaire doit par contre respecter le loyer précédent jusqu’à l’entrée en vigueur de l’indice de référence des prix, prévu l’année prochaine. Dans le cadre d’un bien qui n’a pas encore été loué, situé dans une zone qualifiée de « tendue », les parties sont libres de convenir du loyer. S’il a été loué, la valeur du dernier loyer ne peut être dépassée et cette règle est d’application jusqu'à l'entrée en vigueur de l'indice des prix. Pour l’actualisation ou l’indexation des loyers, la règle est fixée pour les « grands » propriétaires à une augmentation de 3% maximum. Pour les « petits » propriétaires ces 3% sont d’application si un accord n’est pas obtenu entre propriétaire et locataire mais libre en cas d’une harmonie entre les deux parties. En 2025, un nouvel indice devrait être défini. Autre curiosité de cette législation est la situation d’un bien ayant fait l’objet de réformation. Dans ce cas précis, l’augmentation des loyers est plafonnée à 10% maximum (dans une zone « tendue », pour « petits » propriétaires et avec travaux réalisés en adéquation avec l'article 17.6 de la Loi sur les Baux Urbains).


Qu’en est-il de la Communauté Autonome d’Andalousie ?

Ce nouvel objet législatif national peut trouver écho au cœur de chaque communauté autonome si celle-ci décide de l’appliquer ou non. Le gouvernement andalou a confirmé son rejet de cette loi nationale en début juillet. Il opte pour un cadre légal propre qu'il peaufinait encore ce début d'automne. Une nouvelle loi devrait voir le jour remplaçant celle qui est d’application depuis 2010. Les dernières années ont vu une telle insécurité juridique que les prix sont montés en flèche tant du côté des locations que des ventes. Il existe un déficit de logements qui pourrait atteindre, début 2025, les 90.000 logements dans le sud de l’Espagne. Des mesures concrètes devraient voir le jour dans les prochains mois pour compenser ce déficit.


De nouvelles règles pour régir les appartements touristiques avec Airbnb

Ce n’est un secret pour personne, les locations de type Airbnb ont explosé la dernière décennie modifiant tout un équilibre local avec une mue rapide du marché du logement. Dans la ville de Málaga, on dénombre actuellement 6.550 appartements touristiques, soit une augmentation de 10% par rapport à l’année dernière. En ce qui concerne la province de Málaga, il y a plus de 39.000 appartements touristiques, l’augmentation est de 11% pour les douze derniers mois. L’Andalousie a été l’une des dernières communautés autonomes d’Espagne à mettre en place un cadre légal avec des réglementations en lien avec ce type de location. Cette nouvelle loi établit une série de limitations sur le nombre maximum d’appartements touristiques par bâtiment ou par zone, mais aussi pendant certaines périodes de l’année. Il existe aussi d’autres restrictions intéressant d’autres critères. La réalité est que la répartition des appartements touristiques de style Airbnb est inégale dans toute l’Andalousie. On ne retrouve pas la même concentration de biens en location dans un petit village isolé à l’intérieur des terres ou dans une station balnéaire populaire, d’où en découlent ces dernières mesures. Les propriétaires ont un an pour se conformer aux nouvelles réglementations, à cette nouvelle loi créant également un cadre en matière de confort des appartements. Il faut désormais 14 mètres carrés par invité et un logement ne peut accueillir plus de 15 personnes. Deux salles de bains doivent être prévues dès que l’on héberge plus de 5 personnes et des lits corrects dans des pièces appropriées sont obligatoires (autant dire qu’un lit pliable placé sur un balcon est écarté). L'autre nouveauté avec cette loi est le rôle défini d’une «société de gestion» ou d’un gestionnaire de biens. Cela n’existait pas avant. Avec la nouvelle législation, une entreprise responsable de la gestion des appartements et du respect de toutes les réglementations est désignée. Cela renforce la responsabilité et aide ceux qui s’occupent réellement des locations au quotidien. Bien souvent, les propriétaires délèguent ces opérations à des entreprises qui gèrent de multiples biens. Il est question avant tout, selon le législateur, de veiller au respect des droits du travailleur, qu’il s’agit de ceux effectuant le nettoyage ou l’accueil des voyageurs. L’absence de considération de leurs statuts ne profite à personne et conduit à une baisse de qualité dans le secteur.


Louer son bien en Andalousie, les étapes et les règles à suivre !

Chaque communauté autonome dispose de multiples compétences et en matière de tourisme, c’est également le cas. Jusqu’il y a peu, la réglementation qui régissait les hébergements touristiques en Andalousie avait la forme d’un décret, le 28/2016 modifiant celui du 20 avril 2010 (décret 194/2010). Ce cadre juridique vient de nouveau d’être adapté et a subi quelques modifications (le 29 janvier 2024). Le décret 31/2024 fixe désormais les exigences minimales en termes de sécurité et d’hygiène et tente de juguler la concurrence déloyale en lien avec l’augmentation de la demande. Par conséquent, peu importe où votre bien se trouve en Andalousie, qu’il soit situé à Séville, Osuna ou Estepona, les règles à suivre sont les mêmes et si vous voulez louer celui-ci. Disposer d'une licence de première occupation est le premier pas incontournable. Celle-ci atteste que les conditions techniques et les qualité requises sont remplies au regard de la loi. Quant à la différence entre logement touristique et appartement touristique (vivienda de uso turístico et apartamento turístico), elle définit deux cadres juridiques distincts. En effet, une maison à usage touristique est celle qui se trouve sur un terrain à usage résidentiel. Elle pourra être louée en totalité ou en partie, à condition que le propriétaire habite cette maison et la promeuve à travers des plateformes à des fins touristiques. Quant aux appartements touristiques, ce sont des hébergements exclusivement destinés à la location. Cela entre dans le cadre d’une activité commerciale et professionnelle avec en lien, un contrôle plus approfondi de l’administration compétente. Avant toute location, le propriétaire doit introduire une déclaration de responsabilité (declaración responsable) auprès de l’organe de tourisme (Conserjería competente en materia de turismo). Sur ce document, doivent figurer les données relatives au logement (référence cadastrale, données indiquées dans la licence de première occupation,…) et les informations sur le propriétaire (adresse de contact, …) et son statut (représentant, chargé de l’exploitation, seulement propriétaire du logement, …). Ces logements doivent être également inscrits au registre du tourisme d’Andalousie. Toutes inscriptions, radiations, modifications devront être aussi communiquées auprès de la Conserjería. Avec l’obtention de cette licence touristique, un code d’enregistrement est également généré, il est la référence légale du bien dans toute promotion qui est faite de l'immeuble. Disposer d’appartements touristiques correspond donc à une activité commerciale et donc en plus de la licence de première occupation, une licence touristique est exigée. Une règlementation définit aussi un certain nombre d’obligations comme la ventilation directe dans les chambres, un système d’obscurcissement des fenêtres dans les chambres, disposer de suffisamment de meubles et d’objets nécessaires aux besoins des locataires, une système de climatisation (en été l’air-conditionné mais aussi un chauffage en hiver), une trousse de premiers secours, des documents standardisés de réclamations à la disposition des utilisateurs, … Le décret spécifie également les caractéristiques que doivent réunir les appartements touristiques en Andalousie (avec par exemple la largeur minimale des couloirs ou des escaliers, la surface minimale des pièces, …). Sachez également qu’une plaque d’identification de l’appartement touristique doit être affichée obligatoirement à l’extérieur du bâtiment. Qui dit cadre légal, dit également sanction en cas de non- respect. Elles peuvent prendre la forme d'avertissements ou d'amendes et peuvent conduire à la suspension temporaire ou à la cessation définitive de l’activité. 


Dans cette nébuleuse législative, comment s’y retrouver ?

L’une des premières question à se poser est la suivante, qui règlemente les logements touristiques ? Épineuse, certes… Le système juridique espagnol repose en ce qui concerne le marché des locations sur les principes du libre marché et de la libre concurrence. Qu’il s’agit des règlementations européennes ou nationales, elles se doivent de garantir leur respect. Les communautés autonomes disposent d’une compétence exclusive en matière de tourisme, ce qui inclut aussi l’aménagement du secteur touristique et les diverses règlementations. Depuis 2011, les communautés autonomes règlementent les logements touristiques par le biais de leur propre législation mais il est vrai que chaque municipalité les applique de manière disparate à travers d’ordonnances, certaines avec énormément de tolérance, d’autres de manière stricte. Il faut aussi savoir que certaines entités ne disposent même pas d’ordonnance. Le décret 31 de 2024 de la Junta de Andalucía établit un nouveau cadre règlementaire auquel les municipalités devront se conformer avec une série d’exigences minimales que doivent respecter les hôtes, les logements eux-mêmes et les locataires. Il n’est pas facile d’y voir clair avec une nébuleuse de mesures provenant de diverses instances. Le meilleur conseil que nous pouvons vous donner est de vous rendre auprès de votre mairie et d’y réclamer l’ordonnance qui est d’application dans les limites de la municipalité


Vers plus d’équité…

De manière générale, le gouvernement andalou doit promouvoir le libre marché en encourageant l’initiative et l’innovation tout en veillant à mettre en place des règlementations équitables et justes, ce qui n’est pas toujours facile. Prenons l’industrie hôtelière, qui ne cesse de se plaindre de l’avantage concurrentiel injuste accordé aux logements Airbnb. Les nouvelles règlementations devraient redistribuer les cartes. L’économie d’Airbnb est, en réalité, une économie d’hôtels dispersés. Les chiffres officiels avancent qu’en 2024, à Málaga, 74% des annonces Airbnb sont celles d’entreprises et de personnes multipropriétaires. On dénombre une demi-douzaine de sociétés avec plus de cinquante propriétés actives dans la ville ! Mettre en place cette «société de gestion» dans la chaîne des responsabilités est une excellente chose et profitera à toutes et tous. Professionnaliser le secteur et ajouter de nouvelles normes ne peuvent que mener à une évolution positive de la situation. En plus d’un cadre légal, le gouvernement se doit d’être proactif et doit augmenter le stock de logements locatifs de qualité à long terme. Cela implique de nouvelles mesures incitant les constructeurs et les propriétaires, grands et petits, à être attirés par la promesse de rendements attractifs dans le cadre de ce type de location à long terme. Les lois d’encadrement du secteur sont donc des outils précieux mais elles doivent être aussi complétées par d’autres politiques. Les prochains mois verront apparaître ou non les premiers impacts de ces cadres légaux innovants…


Comment un jeune Espagnol peut-il aujourd’hui se loger dignement ?

Il faut savoir qu’en Espagne, près de la moitié des locataires dépensent plus de 40% de leurs revenus dans la location de leur logement ! Cela place l’Espagne au quatrième rang européen en termes de surexposition financière des locataires. Bien évidemment, cela touche avant tout les jeunes. Le défi est majeur pour la nouvelle génération qui trouve en la cohabitation une nouvelle manière de contourner le problème. Mais trouver un appartement à partager s’avère de plus en plus mission impossible. Bien entendu, le tourisme apporte emplois et argent mais le manque de logements pour les habitants crée une véritable énergie négative. Il est évident que la pénurie d’appartements disponibles et les loyers élevés ne sont pas la faute du tourisme. Cela est causé simplement par le manque de logement...