Photo crédit : Carmen Rodríguez Luque pour l’Alliance Française
Franck Dubosc, acteur emblématique du cinéma français et bien connu du grand public, enfile en cette rentrée 2024, la casquette de réalisateur pour un troisième film. C’est en plein cœur de l’hiver, dans la station des Rousses du Haut-Jura qu’il a planté le décors de cette fiction mais c’est au soleil de Malaga qu’il est venu la présentée à l’occasion de la trentième édition du Festival du Film Français qui réserve bien des surprises. Chaleureux, ouvert et loin d’un certain star-système, il s’est confié à notre équipe Esprit Sud sur sa nouvelle réalisation, sur sa vision de la profession et sur les aspirations d’un acteur populaire ayant franchi le cap de la soixantaine.
C’est un virage à 180 degrés pour vous avec cette troisième réalisation, on est toujours dans le registre de la comédie mais, je serais tenté de dire « comédie sérieuse ». C’est un film qui séduira à coup sûr les amateurs du genre, ceux qui aiment par exemple les films des frères Cohen. Pourquoi ce choix ?
Je dirais plutôt un virage à 90 degrés (rires). Il est vrai que j’avais envie de changer un peu de genre, de me faire plaisir et de réaliser un film dans un genre que j’apprécie. Je voulais faire un film que j’ai envie d’aller voir au cinéma, dont je suis plus spectateur. C’est un peu plus noir, on est plus dans ce type d’humour à la Fargo, des frères Cohen en effet. On rit, d’un premier degré et les personnages sont très ancrés dans le réel. Je n’avais pas envie, cette fois, d’une comédie rigolote, c’est une comédie sombre que je propose au public.
C’est un virage que vous avez déjà opéré sur scène aussi…
En effet, j’ai toujours essayé de faire plaisir au public mais c’est vrai qu’en vieillissant, j’essaie aussi de me faire plaisir. D’un point de vue réalisation, c’est allé un peu plus vite puisque c’est déjà le troisième film. Cela a été plus long côté scène.
Photo crédit : Kretz
Le Franck Dubosc, personne Lambda, aurait-il été voir des films comme Disco ou Camping ?
À l’époque, je pense que oui, déjà pour pouvoir en parler et m’en faire une opinion. Aujourd’hui, il est probable que non. Mais attention, ces films, je les aime et je suis fier d’avoir participé à ceux-ci, je les revendique. Peut-être avec l’âge, je deviens plus fainéant (rires) et je me referme sur mes propres goûts. On en revient à cette notion de se faire plaisir.
Était-il facile de séduire Benoît Poelvoorde ? Est-il facile à diriger ? Avouez, Franck Dubosc, que c’était moins facile que l’ours (rires) ?
C’est pas faux (rires). C’est vrai que le film a nécessité la venue d’un vrai ours dressé pour le cinéma, d’ailleurs il n’y en en pas dans le massif du Jura. Plus sérieusement, le scénario lui a été soumis et il a dit oui tout de suite sans réserve. On s’était croisé sur « Astérix aux Jeux Olympiques », mais je ne peux pas dire que l’on était des proches, des amis. Travailler avec Benoît, c’est se frotter à une machine. Ma plus grande satisfaction est qu’il m’a dit après avoir vu le film et qu’il l’avait adoré. Il m’a aussi dit qu’il comprenait maintenant pourquoi je l’avais tant fait chier.
Franck Dubosc, êtes-vous extrêmement exigeant comme réalisateur ?
Quand on se lance dans un projet cinématographique, on se doit de l’être.
Vous l’avez donc été particulièrement avec Benoît ?
Honnêtement, je pense que d’autres réalisateurs ont eu plus de problèmes que moi. Cela a été plutôt facile et c’est vrai que l’on entend beaucoup de choses mais Benoît est simplement comme un enfant, c’est une pile électrique, il vit, il bouge, il a besoin d’être rassuré et canalisé. Une fois que l’on comprend cela, les choses deviennent faciles. Je pensais l’avoir utilisé à 100% lors de ces 40 jours de tournage et finalement quand je vois le résultat final, j’ai cette sensation qu’il s’est donné à 150% !
À quoi rêve Franck Dubosc à l’aube de ses 60 ans, vous les fêterez dans trois semaines ?
Mes désirs et mes envies sont en lien direct avec ceux de mes enfants, avec leurs rêves. Je continue ma carrière bien entendu car j’aime mon métier mais mes désirs et mes envies sont plus pour eux.
Ont-ils aussi la fibre artistique ?
Mes deux garçons (8 et 14 ans) sont passionnés de football (rires). Leurs envies priment sur ma carrière.
Quel regard portez-vous sur certaines critiques un peu parisiennes disons-le, où vous êtes un acteur qualifié de « populaire » et que certains semblent vous cantonner à cette image de Patrick Chirac par exemple ? Même si certains films comme « Incognito » avec Benabar avaient été salués par la critique. Ces critiques vous touchent-elles encore ?
Je dois dire que c’est de moins en moins le cas. En plus, je dois avouer qu’ils sont de plus en plus gentils avec moi. Quand cela devient récurrent et sans justification, cela peut être pénible. Il y a eu une situation avec un journaliste où cela devenait blessant. Même si on a le soutien du public, il y a malgré tout un moment où notre ego est touché. Bien entendu, je suis conscient qu’on ne peut pas plaire à tout le monde même si secrètement, on l’espère. Et à côté des 99% de réactions positives, on a cette tendance à regarder ce pourcentage d’avis négatifs. En spectacle, c’est la même chose. Je suis devant un public de 4.000 personnes et j’en vois une devant moi, qui parait désabusée et qui semble se demander ce qu’elle fait là. C’est pour elle que je vais jouer. Je pense que cette réaction est humaine, ce serait un mensonge de dire, oh je m’en fous.
Cela vous fait sourire…
Oui, car je dois dire que très souvent, j’étais d’accord avec leurs critiques… (rires)
On ne va pas l’ébruiter alors (rires). Nous sommes aujourd’hui ici réunis à Malaga. La ville a été l’une des villes les plus marquées par la guerre civile espagnole entre 1936 et 1939. Il y a quelques années, vous avez collaboré à un documentaire sur le parcours de votre grand-père, Robert Plantrou, prisonnier pendant 5 ans, durant la seconde guerre mondiale… Ce devoir de mémoire était-il important pour vous, de lui rendre cet hommage ?
En réalité, je l’ai fait plutôt de manière égoïste. Je voulais avant tout savoir ce qui lui était arrivé réellement, si ce qu’il m’avait raconté était vrai, simplement. Je voulais savoir s’il avait menti au petit garçon que j’étais. Pour revenir sur les guerres, les conflits et ce devoir de mémoire, je pense que l’on en a tant en ce moment, ma femme est d’ailleurs libanaise. On n’a forcément besoin de cela pour avoir conscience des atrocités.
Vous connaissez l’Andalousie, Franck Dubosc ?
Dans le cadre du tournage de « Cinéman », je suis allé à Almeria pour bosser dans les studios. Et je me suis rendu à Séville à l’occasion d’un mariage. Mais j’aimerais découvrir cette belle région.
Je vous offre dans ce cas, le guide « Andalousie, mon amour », il peut vous être utile…
Merci beaucoup. C’est vrai que cette fois-ci, dans le cadre de la promotion, je n’aurai pas le temps de faire des visites mais je le garde précieusement.
Une dernière question, quelle est celle que l’on ne vous a jamais posé en interview et que vous aimeriez que l’on vous pose ?
Je pense que je ne le dirais pas mais je m’arrangerais à glisser dans l’interview la réponse (sourire).
Un immense merci, bonne chance ce soir, pour l’accueil du film, lors de la projection au Festival du Film Français de Malaga. Je vous souhaite un succès égal voire supérieur à celui de votre premier film « Tout le monde debout » !
Merci à vous et merci pour l’ouvrage.