Quand les visions de Picasso et de Goya se croisent dans une arène

Rédigé le 17/10/2023
Frederic André

Voici l’une des expositions les plus attendues en cette rentrée 2023 dans le sud de l’Espagne. Esprit Sud Magazine a visité pour vous la dernière exposition consacrée à deux monstres de l’art, Goya et Picasso se déroulant à la Málaga Fundation bancaria Unicaja. En collaboration avec l’Académie Royale des Beaux-Arts de San Fernando et le Musée Maison Natale de Picasso de Malaga, l’exposition « Goya / Picasso. Tauromachie » est un véritablement enchantement. C’est près d’une centaine de gravures réalisées au travers de diverses techniques qui proposent une réflexion croisée des artistes sur les taureaux de combat (de Lidia). Affinités évidentes et divergences manifestes émanent de cet étalage croisé d’œuvres de toute beauté. Après avoir animé Madrid tout l’été, cette exposition ouvre ses portes à Malaga dans le cadre de la commémoration du 50ème anniversaire de la mort de Pablo Ruiz Picasso. Goya et Picasso voient dans cette exposition leurs deux visions se confronter.



Notons qu’il s’agit aussi de la première fois dans l’histoire que les 33 plaques de cuivre originales gravées par l’artiste originaire d’Aragon (1814-1816) sont exposées en dehors du siège de l’Académie royale des beaux-arts de San Fernando. Les précieuses plaques ont été scellées dans des encadrements exclusifs du système "climabox" les isolant et les préservant de toute altération. Trente-trois estampes de la première édition de son œuvre « Tauromachie » (datant de 1816) ont donc été intégrées à l’exposition tout comme sept estampes originales formant quarante images taurines de toute beauté. Un ajout à l’ensemble, quatre superbes taureaux réalisés en 1824 et 1825 au crayon et en France complètent l’incroyable collection.

Quant à l’axe Picasso, il prend la forme d’une série de gravures appartenant à la Maison Natale de Malaga.



De nombreuses gravures de Francisco de Goya y Lucientes sont inspirées du carnet de croquis de l’artiste qui renfermait les transpositions des couleurs des habits de lumière de ces guerriers croisés par l’artiste à Ronda. Goya était empreint de doutes, hésitant entre éloge et condamnation de la tauromachie. Depuis sa plus tendre enfance, Picasso, quant à lui, était un fervent admirateur de celle-ci. Si Goya souhaite démontrer que cette activité est bel et bien ancrée, enracinée dans la tradition espagnole, les scènes violentes et de grande cruauté qu’il recrée ne présentent nullement une position favorable de l’artiste, bien du contraire. Il a du mal à se positionner à l’inverse de l’enfant de Malaga mais il reste très critique. 

Les deux artistes ont en commun le fait qu’ils ont vécu entre l’Espagne et la France. Ils ont aussi connu des temps troublés par des guerres. 



Les deux visions de la tauromachie plutôt que s’opposer semblent s’observer avec des formes différentes de représentations stylistiques. Il y a une vision critique inscrite dans un contexte historique d’un côté et de l’autre une apologie de la tauromachie teintée d’une approche festive. Elles sont donc aux antipodes l’une de l’autre. Il y a d’un côté des scènes très sanglantes où l’artiste d’Aragon se concentre sur les toreros meurtris et sur des chevaux éviscérés et de l’autre des scènes où l’on célèbre cette activité traditionnelle avec joie.

Les deux artistes ont également eu des liens avec l’Académie de San Fernando. Il s’agit en effet d’un brève relation en ce qui concerne Picasso avec un court passage par l’Académie où il a pu y connaître le maître Goya. L’influence du génie d’Aragon est évidente dans les œuvres de Picasso. Un ultime clin d’œil réunit encore les deux artistes à l’Académie royale des beaux-arts de San Fernando. Les deux génies étaient membres de celle-ci. Goya y était académicien et professeur de peinture tandis que Picasso, peu de temps avant sa mort avait accepté d’être élu « académicien d’honneur » au sein de l’institution.


L’exposition peut être visitée jusqu’au 10 décembre prochain au Centre Culturel Fundación Unicaja de Malaga du lundi au samedi de 10h00 à 14h00 et de 16h00 à 19h00, et les dimanches et jours fériés de 10h00 à 14h00.

Une exposition à ne manquer sous aucun prétexte.