La grande mosquée de Cordoue

Rédigé le 02/10/2023
Frederic André

L’un des plus beaux joyaux andalous regorge de secrets et renferme encore de nombreux mystères. Depuis sa construction fin du VIIIème siècle, cette prouesse artistique omeyyade hispano-musulman captive et fascine. La Mosquée-Cathédrale est une véritable référence culturelle orientale dans notre monde occidental. Déambuler sur le Pont Romain qui enjambe le célèbre Guadalquivir pour rejoindre la prestigieuse bâtisse surplombant l’ancien quartier juif est un véritable enchantement.

Quand elle fut achevée, cette immense mosquée était le second plus grande temple musulman du monde, n’ayant comme rival que celui de La Mecque. Cordoue comptait alors près d’un million d’habitants (alors qu’actuellement il y a 320.000 habitants dans la ville) et sa mosquée pouvait accueillir au même moment 20.000 fidèles.



Esprit Sud Magazine vous propose de lever le voile sur les différents mystères et les anecdotes les plus originales qui entourent la Mosquée-Cathédrale de Cordoue ! 


Des Dieux et autres divinités…

Le site sur lequel est enraciné le fabuleux édifice a d’abord accueilli un temple romain dédié à Janus (le dieu romain des commencements et des fins, des choix, du passage et des portes). On dit aussi qu’un temple juif élevé par le Roi Salomon au 10ème siècle avant J.-C. ou encore un temple celtique consacré au dieu Lug (divinité celte pouvant frapper à distance mais aussi inventeur et praticien de tous les arts).

Les Wisigothes y ont également dressé une basilique en l’honneur du martyre Saint-Vincent (actuellement, Vincent de Saragosse suscite surtout une dévotion parmi les fidèles de la communauté de Valence).



Pur exemple d’avant-garde architecturale

Ce sont des architectes et maîtres d’œuvre (« alarifes ») célèbres qui se sont chargés de la construction de cette mosquée démesurée, certains venant même de la lointaine Byzance. Les doubles arcs et les polylobes sont de véritables prouesses architecturales qui continuent encore aujourd’hui d’impressionner les plus architectes les plus pointus. La forêt de 856 colonnes occupe onze nefs longitudinales et douze transversales, unies par 365 doubles arcs en fer à cheval inspirés des aqueducs romains. Les colonnes et les arcades, représentent l’infini dans lequel habite Dieu selon les croyants. Cette forêt de colonnes et d’arcs vous impressionnera à coup sûr…



Caché dans le clocher, un minaret !

Grimper les 203 marches du clocher culminant à une hauteur de 93 mètres de haut peut donner le tournis mais vous pourrez au sommet admirer une vue exceptionnelle sur le monument et la ville. La légende veut que le minaret de l’ancienne mosquée de Cordoue fut le tout premier à voir le jour en Occident et que son dessin aurait servi de modèle à l’art califal. La tour-clocher que l’on admire aujourd’hui est une œuvre datant de la fin du XVIe siècle, construite autour des parois du minaret primitif (celui érigé par Abderrahmane III au Xème siècle). Ce dernier présentait de nombreux signes d’instabilité et il fut alors décidé de « coffrer » l’ancienne structure par un nouvel édifice. Les vestiges du minaret sont encore visibles, ouvrez l’œil !


Une vingtaine d’entrées au paradis

Lors du grand empire Al Andalus, les portiques qui donnaient accès à la mosquée étaient des entrées diaphanes qui avaient pour mission symbolique d’unir l’extérieur et l’intérieur en un seul passage. La Porte du Pardon datant quant à elle du XIVème siècle est la plus monumentale des portes de la Mosquée-Cathédrale et donne accès à la splendide Cour des Orangers. Cette porte reçut ce nom à l’époque chrétienne parce car l’évêque dispensait le pardon aux pénitents et aux fidèles qui n’avaient pas pu payer la dîme.

Si l’on réalise le tour de l’impressionnant édifice, on constate une vingtaine d’accès à son antre. Chacune a son propre nom, la Porte de Jérusalem ou encore la belle porte d’Alhakén II (qui dispose de trois portails en arc et dont les linteaux sont richement décorés). Dans un coin du périmètre extérieur, il est curieux de retrouver une Vierge des Lanternes rappelant la célèbre sculpture du Christ des Lanternes. Repérez cette petite niche logée près d’un escalier avec un charmant retable datant du début du XIXème siècle avec une copie d’un tableau de Julio Romero de Torres éclairé la nuit comme par magie par onze lanternes. 



Quand la Cour des Orangers n’avait pas d’oranger

A l’origine cette cour impressionnante dont la construction fut initiée sous le commandement d’Abderrahmane Ier, était à l’origine couverte d’oliviers, de lauriers et de cyprès. Il s’agissait bien entendu du lieu de ablutions des croyants musulmans où l’on retrouvait aussi un portique en plein air où les fidèles pouvaient se recueillir. Différentes légendes racontent que la Reine Isabelle La Catholique, installée pendant huit années à Cordoue y aurait fait planté des orangers car elle raffolait des confitures à l’orange amère. On raconte aussi qu’une autre souveraine, originaire de contrées plus au nord regrettait de ne plus voir la neige et les pétales des fleurs des orangers tombant au sol et recouvrant celui-ci lui rappelaient les manteaux enneigés recouvrant le paysage. Aucun fait historique, ni écrit ne semblent étayer ces croyances ou légendes.

C’est aussi au milieu de cette vaste place qu’avaient également lieu les activités des cours et tribunaux et où se déroulaient les procès. Aujourd’hui, c’est une fontaine au style baroque qui orne la célèbre place et une centaine d’orangers offrent de l’ombre aux visiteurs. Il existait d’anciennes fontaines et il était de tradition pour les femmes célibataires de boire l’eau de celle de Santa Maria située près d’un olivier pour cesser de l’être et trouver un mari. Aujourd’hui, on est bercé par l’eau qui coule entre les canaux.

 



Un passage secret vers la ville éphémère Medina Azahara

Une autre légende veut qu’un tunnel ou un passage souterrain relierait la Mosquée-Cathédrale à la ville éphémère construite au nord de la ville au neuvième siècle. Le tunnel n’a pas encore été découvert mais il est vrai qu’il existe plusieurs tunnels démarrant du sous-sol du temple mais ils ne ceux-ci ne permettent pas le passage de personnes de manière sécurisée.


Des colonnes légendaires

Plusieurs colonnes ont généré des légendes. L’une des plus connues intéressent celle du captif. Cette colonne de marbre présente une croix sculptée par un captif chrétien. Un captif chrétien l’aurait avec son ongle. La colonne de l’enfer est un autre pilonne qui est reconnaissable par la cloison qui l’entoure. Les gens avaient l’habitude de gratter la colonne avec une pièce de monnaie et une forte odeur de soufre s’en dégageait. Une légende urbaine raconte que le marbre aurait été sculpté au plus profond de l’enfer. La réalité est tout autre et découle d’une simple réaction chimique.

Il existerait aussi une colonne où la lettre « Aleph » (première lettre de l’alphabet hébreux) serait gravée. Cette colonne renfermerait la clé du mystère de la fusion des énergies et de l’univers. La Mosquée-Cathédrale, source d’inspiration pour un nouveau « Da Vinci Code » ?



Orientée vers La Mecque, vous pensez ?

L’une des splendeurs de la mosquée cordouane prend la forme de délicates décorations autour du Mihrab, adossé au mur sud annexé à la Maqsura, son antichambre (zone privée réservée au souverain pour sa prière). Il s’agit du coin le plus sacré de la mosquée et c’est un véritable joyau d’art au service de la spiritualité. Dans ce coin, un exemplaire du Coran était conservé et l’Imam y adressait ses prières. Sa construction s’inspire de celle de la Grande Mosquée de Damas. Il devrait orienté vers La Mecque mais ce dernier est orienté sud. L’une des explications est que cela est dû au fait que le tracé, les plans romains et que les Musulmans se sont alignés sur ceux-ci. Une autre explication possible est que l’orographie (étude du relief) a amené comme explication que l’inclinaison de la ville vers le sud et la rivière empêchait toute autre orientation. On apprécie particulièrement la voûte de cette petite chapelle, érigée sur un octogone, aux arcs entrelacés et couverts de mosaïques en or, argent et bronze. Cette œuvre précieuse a été réalisée par des maîtres byzantins.



La mosquée-cathédrale, un bien appartenant à l’État

Selon le rapport récent d’une commission d’experts, l’État est propriétaire depuis toujours du célèbre bâtiment. Des documents remontant au XIIIème siècle l’attestent et désignent la Mairie de Cordoue comme " institution publique avec protection et conservation de ses bâtiments par l’État". Même si l’édifice a été édifié sur un temple chrétien wisigothe, même si le monarque Ferdinand III lors de la conquête de la ville en 1236, aurait pu faire une donation à l’Église, il n’en est rien. Récemment, en mars 2023, une nouvelle polémique sur la propriété du bâtiment a éclaté. Le Président du clergé de Cordoue, Joaquin Alberto Nieva a déclaré que l’Église était bel et bien propriétaire de cet édifice. Un document émis par le Ministère de la Culture et des Sports atteste que le titulaire ou propriétaire du bien est bel et bien l’Église Catholique d’Espagne.


Le Général Franco et Charles Quint, un combat à l’envers !

Commençons par le dictateur, le Général Franco. Mégalomane, il avait l’intention de déplacer toute la Chapelle Principale de la Mosquée-Cathédrale dans un autre temple religieux et d’entamer une « purification » comme le signale son projet démentiel. Il voulait rendre aux musulmans la Mosquée pour leur aide lors de la Guerre Civile. Il faut dire aussi que le dictateur comptait comme soutien le Roi Faisal d’Arabie Saoudite qui garantissait le financement de ces travaux dantesques où pierre par pierre la Cathédrale aurait été « extirpée » de la Mosquée. L’UNESCO par sa « Résolution de Cordoue » a permis d’empêcher que l’on touche au bâtiment.

Et qu’en est-il de Charles Quint ? Lorsque les rois chrétiens s’installèrent à Cordoue, ils sont tous tombés en admiration devant les joyaux de la Grande Mosquée et sa célèbre forêt alors que les évêques et autres instances chrétiennes insistaient pour ne pas conserver les beautés. Ce fut d’ailleurs la première idée de Carlo V (Charles Quint) qui ordonna la destruction de la forêt alors qu’il n’avait jamais mis les pieds à Cordoue. Une fois sur place, il constata l’étendue des dégâts liés à la destruction d’une partie des colonnes. Plus d’une centaine de colonnes de jaspe, onyx, marbre et granit avaient déjà été détruites. Charles Quint s’est écrié : « Vous avez détruit ce qui était unique au monde, et vous avez mis en place ce que l’on peut construire n’importe où ». Les travaux de destruction furent stoppés net et la Mosquée-Cathédrale de Cordoue avec ses 856 colonnes est aujourd’hui un des joyaux artistiques du monde et un site inscrit au Patrimoine Mondial de l’UNESCO.


La Mosquée-Cathédrale est donc source de toutes les légendes. On peut aussi citer celle de l’image du Christ qui pleure, de la sculpture du bœuf qui a éclaté après une vie de dur labeur, de la chaîne en or suspendue ou des pierres bleues du Patio de los Naranjos. Tant de mystères qui contribuent aussi au prestige de ce temple qui depuis des siècles conduit ceux qui poussent ses portes, à l’admiration.