Judas en feu et en flammes au village El Burgo

Rédigé le 13/04/2023
Daniel Moineau

Le dimanche 9 avril signe la dernière journée de la Semaine Sainte. En ce jour célébrant la résurrection de Jésus, je vous invite à découvrir un événement folklorique et unique. Suivez-moi à El Burgo, un joli village de la province de Malaga, situé dans le parc naturel de la Sierra de las Nieves.

Aux aurores, je m’approche du village accompagné par le merveilleux soleil andalou.



Au pied des montagnes, je découvre El Burgo. Ce village, à la période de la Bétique, était un lieu privilégié de passage des soldats. Il est parvenu à obtenir le privilège impérial de l’empire romain. Autant dire que l’histoire de ce village est longue et peut occuper un historien pendant de long mois.



Depuis plusieurs décennies, le public se masse dans ses rues et ruelles le dimanche de la Résurrection et ce, pour une raison évidente. S’y déroule “la Quema del Judas”. Le village se réveille à peine mais une vingtaine de personnes s’affairent à mettre en place un géant sur la place principale du village. Ces bénévoles s’agitent autour d’un camion qui transporte le personnage fort de la journée. Au son des sirènes hurlantes, le véhicule a d’abord fait le tour du village. Dans le même temps, d’autres volontaires s’assurent de la sécurité. Sur la place principale, ils ferment notamment toutes les fenêtres des habitations alentours à l’aide de panneaux. Un peu plus tard, les hommes hissent le personnage « El Judas ». Cette immense poupée de chiffon bourrée de poudre blanche et d’explosifs est suspendu à une corde. Cette tradition, plutôt païenne en cette sainte semaine, se permet de modifier quelque peu l’histoire de la fin de vie de Judas L’Iscariote. Les origines de cette fête particulière sont à rechercher dans les années 40 quand le curé du village El Burgo encouragea les villageois à créer cet événement festif mi païen mi chrétien. Originaire du Pays Basque où ces fêtes existent depuis longtemps, il est parvenu à convaincre les habitants du village. A ses origines, la fête se déroulait autour d’une personne mais au fil du temps le personnage a évolué jusqu’à prendre la forme de ce gigantesque bonhomme atteignant plus de sept mètres de hauteur. On boute le feu au mannequin et les explosifs qui y sont placés conduisent à son explosion en fin de cérémonie. Chaque année, le personnage Judas prend des allures différentes mais toujours avec une connotation funeste et damnée ...



Pendant que la cérémonie se prépare et profitant du calme très précaire, je remonte vers l’église en empruntant les ruelles escarpées où les balcons portent fièrement les figures et images de la Vierge et du Christ. Arrivé à l’Église « Nuestra Senora de la Encarnacion », le son d’une guitare Flamenco se fait entendre. Un cœur de fidèles accompagne la belle musique. La messe s’achève et le fidèles (ou pas) se préparent à porter à la population en liesse, les trônes de la Vierge et du Christ, réunis en cette journée de la Résurrection. La belle procession précède la « Quema del Judas ». Je retourne vers la « Plaza de Abajo », où m’attend le Judas. Je ne suis pas le seul, une foule immense attend qu’il passe à la trappe et soit réduit en fumée. Le public a hâte d’assister à sa disparition.


Midi vient de sonner, près de 6000 personnes se sont massées sur la place. Ce sont plus de quatre fois la population du village. Il faut un peu jouer des coudes pour conserver une bonne place afin de ne rien manquer du spectacle, de prendre quelques clichés photographiques et filmer quelques séquences.

On perçoit une agitation folle naître au sein des bénévoles qui préparent les derniers feux de bengale et les feux d’artifice.

Au loin, on aperçoit le Christ qui tente de se frayer un chemin au milieu de la foule. Il est rejoint par la Vierge de la Alegría. Et c’est vrai qu’il y en a de la joie au sein de la population qui se serre. Les deux figures religieuses passent devant moi, s’approche du mannequin géant qui semble avoir compris que ses heures sont comptées, s’arrêtent un instant devant lui et puis s’en éloignent peu à peu.



C’est alors, qu’après l’annonce de cinq coups de pétards et les cris dʼune foule en délire, retentit une très forte explosion. Elle est suivie de nombreuses autres détonations à vous faire sauter les tympans. Une mèche enflammée serpente au sol avant d’atteindre “el Judas”. Un départ de feu, de multiples explosions, un énorme nuage de poudre blanche, une odeur de brûlé, des flammes qui montent au ciel...notre “Judas” brûle, il se tord, il se disloque et finalement il n’est plus que carcasse. Des bruits, des cris, une ferveur, l’ambiance est unique. J’assiste presque à une hystérie générale. Mais alors, Jésus est-il finalement vengé, lui qui pardonne tout?

Peu à peu, le calme revient sur la place. Celle-ci est souillée, une poudre blanchâtre et les restes encore fumants du “traître” gisent au sol.

 



La procession ne repart vers son point d’origine, l’église principale du village, que lorsqu’il ne reste plus aucune trace de celui qui a trahi. La fête est finie.

Tous mes sens ont été sollicités lors de cet événement, loin d’imaginer une telle ferveur, un tel spectacle.

Cette fête folklorique du village El Burgo me laissera un souvenir impérissable. Jamais je n’aurais pensé à un tel événement connecté à la “solennelle” Semaine Sainte. Je quitte le village encore un peu abasourdi, pas totalement indemne de cette unique expérience.