Et sous la Mosquée-Cathédrale, la Basilique Wisigothe Saint-Vincent…

Rédigé le 07/04/2023
Frederic André

Dans la somptueuse Mosquée-Cathédrale de Cordoue, découvrez actuellement une petite exposition originale consacrée à des vestiges de la période wisigothe (byzantine). Différentes pierres et objets découverts sous le fabuleux édifice sont exposés pour la première fois au public.

Il était déjà possible de se plonger à l’époque de la grande Basilique Wisigothe Saint-Vincent qui occupait le site. En effet, à l’entrée de l’édifice, un plancher en verre permet, d’observer les mosaïques de l’ancien temple religieux, dont le niveau était placé à plus ou moins 150 cm de la surface actuelle. Ce sol en petits carrelages est en continuité de la tradition romaine et paléochrétienne. On retrouve trois types de motifs. Tout d’abord, notons la présence d’arcs entrecroisés. On peut aussi apprécier la finesse des représentations florales, d’une colombe et d’une couronne d’épines (faisant référence au Saint Esprit et au martyre). Enfin, sur la majeure partie des céramiques, figurent des motifs géométriques et différents symboles comme des croix.



C’est Félix Hernandez, ancien architecte et conservateur du bâtiment, qui est à la base de fouille ayant permis de mettre à jour une série d’objets, de murs et de sols. En effet, sous la Mosquée Primitive du souverain Abd Al Rahman 1er, dit l’Immigré (1), on découvre un univers différent, enseveli mais aussi ayant permis l’alimentation en colonnes, chapiteaux et autres éléments architecturaux de la future mosquée. C’est une salle rectangulaire s’ouvrant sur la nef centrale d’une basilique que l’on découvre. Fut également mis en évidence, un réservoir d’eau correspondant plus que probablement d’une piscine baptismale. 



Les fondations de l’ancienne Basilique de Saint-Vincent le Martyre renferme plus d’un secret.

Ce temple chrétien fut édifié au milieu du VIème siècle. Il consacre Vicente de Huesca, dit le Martyre Saint-Vincent. Originaire de Huesca, il décède à Valence en 304. Cet ecclésiastique espagnol, fut capturé et torturé sous l’Empereur Romain Dioclétien. Depuis, l’Église l’a élevé au titre de martyre. Vincent fut chargé notamment de la prédication de la foi. Saint Vincent le Martyre est également le Saint Patron des archidiocèse et ville de Valence. Saint-Vincent est nommé protecteur de Valence par le Roi Jaume Ier lorsque ce dernier récupère la cité des mains musulmanes. Le souverain estime que cette victoire est due à l’action bienveillante et la protection du Saint et en guise de remerciement, il le consacrera à Valence.

Revenons à notre Basilique. Elle prend de l’importance et devient le principal temple de la ville. Y est installé également le siège épiscopal. Début du VIIIème siècle, quand la vague islamique se répand sur la péninsule, un pacte de capitulation est signé et l’édifice religieux est scindé. Une partie du bâtiment se consacre au culte islamique et l’autre est dédiée aux christianisme. La cohabitation n’est pas simple et les engagements de part et d’autre ne sont pas toujours respectés. En 748, par exemple, lors des conflits entre les Yéménites et les Mollahs, les Musulmans utilisent la partie chrétienne de l’édifice pour y organiser les jugements et les condamnations à mort des meneurs yéménites.

Finalement, en 786, le premier émir de Cordoue, Abd al-Rahmann Ier, achète la partie destinée au culte chrétien et prend la décision de construire sur celle-ci une mosquée démesurée. Il opte pour une réutilisation des matériaux de la basilique pour ériger l’édifice religieux islamique principal de la ville.

Une série de fouilles est menée entre 1931 et 1936 par Felix Hernandez. Et dans les années 1990, le professeur Pedro Marfil confirme, lors de nouvelles fouilles archéologiques, la stratigraphie préislamique de la mosquée. Il va plus loin et prouve scientifiquement qu’il existe en fait trois phases de construction, les deux premières datant du VIe siècle et la dernière du VIIe siècle. De nouvelles découvertes faites en 2021 dans la Cour des Orangers confirment également l’existence préalable d’un complexe épiscopal.

Voici donc une intéressante exposition de vestiges qui ne manquera pas de vous impressionner lors de votre prochain passage dans l’impressionnante Mosquée-Cathédrale de Cordoue, chers lecteurs.

 

 

 

 

 



(1) Al-Rahman voit en effet son clan se décimer en Syrie. Il se voit attribuer la mission d’élever Cordoue au rang d’émirat. Il y fera ériger une mosquée démesurée dès 785 après Jésus-Christ.

Au Xème siècle, sous le règne d’AL Hakham II, la Mosquée doublera de volume en s’étendant jusqu’aux berges du Guadalquivir, fleuve légendaire, ce qui permettra de doubler la capacité de l’édifice et le nombre de fidèles venant se recueillir.