Espagne, pays pionnier dans la lutte contre les violences faites aux femmes

Rédigé le 07/03/2023
Frederic André


Plantons le décor. Il faut remonter à 2014 pour observer en Europe la mise en place de différentes mesures préventives et répressives en lien avec les violences commises sur les femmes. C’est lors de la Convention d’Istanbul que les états membres ont accordé leurs violons pour lutter contre les souffrances physiques, psychologiques et sexuelles faites aux femmes et aux lourds préjudices vécus par celles-ci. 

Annuellement, près de 150 femmes par an succombent sous les coups de leur conjoint dans l’hexagone, la Hongrie occupe tristement le haut du tableau et l’Espagne a enregistré pour sa part, 99 décès de ce type l’an dernier (et déjà 15 cas enregistrés pour les deux premiers mois de cette année). Le dernier en date est le triste meurtre de la jeune Elia (17 ans) à El Rubio (Séville), commis par son petit ami de 21 ans. 

Espagne terre avant-gardiste de protection des droits des femmes 

Même si la période de la crise sanitaire a bien bousculé les tendances avec notamment une reprise massive des violences commises sur les femmes, la dernière décennie a vu les mesures prises par la péninsule porter leurs fruits et si on comptait près de 100 homicides en 2008, 12 années plus tard, on enregistrait 43 victimes.

Pour expliquer cette baisse, on peut relever une série de de dates importantes et de mesures en Espagne. 

En 1999, le code pénal espagnol subit un important remaniement. Est condamnée à une peine de prison d’un à trois ans, toute personne qui effectue des actes contre la liberté ou l’intégrité sexuelle d’une autre personne en l’absence de consentement. 

Deux années plus tard, le Président Aznar est à l’origine d’un plan d’action général contre la violence domestique. 

Ensuite, c’est Zapatero qui fait progresser significativement la lutte contre les violences faites aux femmes avec en 2004, la loi organique (conforme à la Constitution de 1975 et votée à la majorité absolue) introduisant d’importantes réformes pénales, civiles et sociales. 

On retrouve notamment dans cette loi :

  • la mise en place de bureaux d’aide et d’assistance aux victimes de violence
  • un ministère public et un tribunal spécialisés à la lutte contre les violences de genre avec à leur tête, des magistrats spécialisés. 

Autre nouveauté, en présence d’éléments probants, l’Etat peut prendre la décision de déposer plainte si la victime se désiste, ce qui arrive régulièrement. 

2009 verra aussi l’introduction des bracelets électroniques visant la surveillance des conjoints violents.

Notons aussi le rôle majeur joué par la presse. Très actifs, les journalistes diffusent les cas de violences familiales dans leurs papiers afin de mettre en lumière le phénomène qui devient de moins en moins tabou ( même s’il y a un bémol avec les violences psychologiques faites aux femmes qui restent souvent oubliées). 

Une autre avancée significative est à noter en 2021 avec une classification et une différenciation des types de féminicides. Quatre catégories sont en effet créées: «féminicides familiaux» (un meurtre d’une femme commis par son mari ou partenaire), «sexuels» (le meurtre d’une femme à la suite d’une agression sexuelle et ce, hors couple), «sociaux» (le meurtre d’une femme par un homme suite à une agression non sexuelle) et «par procuration» (visant une femme comme moyen de causer préjudice à une autre femme). 

Vous l’avez compris, l’Espagne dispose d’un arsenal juridique imposant pour faire face aux violences faites aux femmes. Juridiquement, cela fut révolutionnaire. Ajoutez-y des délégations ou groupes gouvernementaux spécifiques comme l’« Instituto de la Mujer » ou encore la « Delegación del Gobierno contra la violencia de género ». Complètent le tableau, différentes associations féministes aux actions puissantes de protection. 

Enfin, l’Espagne voit au sein de ses politiques, depuis plus de 20 ans, une réelle volonté de réduire le nombre de cas de violence contre les femmes. Les attitudes et les comportements de la gente masculine ont fortement évolué aussi. Rappelons aussi que dès 2012, l’Espagne s’est dotée d’un ministère chargé de l’égalité des genres. 

Depuis 2019, le gouvernement Sanchez au pouvoir figure d’exemple en Europe avec en son sein plus de femmes que d’hommes. Les lois qui y sont générées sont des plus avant-gardistes et l’Espagne est une référence en matière des droits de la femme malgré qu’il s’agit d’un pays profondément catholique. La coalition à la tête du pays est souvent qualifiée de féministe. (voir notre article consacré aux récentes législations). 

Rappelons que les mouvements féministes ont démontré, dès 1920, leur toute puissance et ont permis le droit de vote des femmes dès 1931. À titre de comparaison, il faudra attendre 1945 pour voir ce droit apparaître dans l’hexagone. Dans la Constitution des années 30, le droit au divorce avec consentement mutuel figurait déjà. Les femmes se coupaient les cheveux comme elles voulaient et conduisaient déjà des voitures. L’Espagne n’avait de pareil que la Grande-Bretagne. 

L’Espagne est donc le chef de file des pays européens en matière des droits de la femme mais les résultats de partis extrémistes comme le Vox peuvent malheureusement conduire à des retours en arrière et une marche arrière en ce qui concerne certains droits acquis par les femmes. Le parti d’extrême droite a rejoint le jeudi 10 mars 2022 pour la première fois un gouvernement régional en Espagne, dans la région de Castille-León. En 2018 déjà, cette même formation d’extrême droite, Vox, avait obtenu douze députés au parlement andalou mettant fin à trente-six années de gouvernance en solitaire par les socialistes.