« Monsieur Malaga » Rencontre exclusive avec Francisco de la Torre, maire de Malaga

Rédigé le 16/12/2022
Frederic André


Depuis 22 ans, il dirige la ville. Il est l’artisan du changement profond qui a conduit la cité à prendre le visage séduisant qu’on lui connaît. Francophile et éprouvant une tendre affection pour la France, l’homme politique a toujours cru au potentiel de sa ville de naissance. La passion qui l’anime ne s’essouffle pas… Il fourmille de projets pour un nouveau mandat qu’il espère décrocher en 2023. Malgré un emploi du temps ultra chargé, Monsieur de la Torre et son équipe ont pu nous dégager trente minutes d’entretien exclusif. C’est une personne sensible, généreuse et sympathique qui a répondu avec un enthousiasme débordant à toutes nos questions et ce, dans un français impeccable. Chapeau bas, Monsieur le maire ! 


Prendre la décision de vous représenter comme représentant du PP pour les prochaine élection après 22 années à la tête de la sixième plus grande ville d’Espagne fut elle une décision facile à prendre ?

C’est vrai que cette décision fut compliquée à prendre. Tout est une question d’organisation et je dois apprendre à organiser mieux mon emploi du temps. Je dois me dégager du temps pour le sport par exemple. Ces dernières semaines ont été très denses. Côté famille aussi, il me fallait trouver un consensus. Mon épouse connaît et respecte ma passion pour la ville de Malaga et c’est un point essentiel qui a conduit au choix de me représenter. Nous avons, avec mon équipe, le projet de continuer la stratégie mise en place les dernières années ainsi que les structures développées. Nous espérons que le peuple de Malaga nous suivra une nouvelle fois.

 


On peut vous décrire comme digne représentant d’un libéralisme modéré, truffé d’une bonne dose de populisme raffiné. Comment décririez-vous la « De la Torre Touch » qui a en 22 ans, offert un tout autre visage à Malaga ?

Il ne m’est pas simple de répondre à cela. J’ai pour vision qu’œuvrer en politique c’est se mettre au service d’un bien commun et jamais dans l’intérêt de particuliers. C’est un préalable essentiel. Être proche des gens est également important. Nous devons séduire les entreprises et mettre tout en œuvre pour que la ville soit attirante pour les entreprises et les talents ; qu’ils viennent et qu’ils restent. Un libéralisme modéré c’est un mélange de libéralisme et de social-démocratie. Et cette « touch » est liée aussi à ma ville et à son pouvoir d’attraction important. Les entreprises qui génèrent de l’emploi et les grandes avancées dans l’économie se réalisent grâce à celles-ci. J’attends aussi de ces entreprises qu’au-delà de leur impact économique, elles jouent un rôle de responsabilité sociale, qu’elles jouent un rôle au travers de fondations, qu’elles s’impliquent dans des actions culturelles,… J’ajouterais enfin qu’en Espagne nous n’avons pas toutes les compétences au sein de nos villes. Nous dépendons pour beaucoup du pouvoir central. On a assisté à un transfert de certaines compétences vers les communautés autonomes mais au niveau des provinces et des municipalités, nous sommes toujours très dépendants. L’éducation est essentielle par exemple. Mais celle-ci est réglementée par le ministère de l’Éducation et de Formation Professionnelle. Ce sont les gouvernements des communautés autonomes qui gèrent et financent…pas les municipalités.

 


Centre technologique avant-gardiste, ville où règne une réelle sécurité, un des plus grand port d’Espagne, paradis du télétravail, aéroport exceptionnel, capitale du tourisme intelligent et surtout ville des musées ici dans le sud de l’Espagne. Vous avez réalisé un réel sans faute… quels sont les défis que vous aimeriez encore relever lors de votre prochain mandat ?

Il y a cet axe culturel, Malaga est devenu au cours de la dernière décennie, la capitale des musées dans le sud de l’Espagne. Nous voulons encore développer d’autres objectifs en liens avec nos musées, mettre en place de nouvelles synergies entre les institutions publiques et privées. Et surtout, nous voulons décrocher avec notre ville, l’Exposition Internationale de 2027 à Paris.

 


Vous êtes sur le bon chemin pour remporter cette course. A ce propos, le thème est « l’ère urbaine : vers la ville durable ». Rappelons que dans le cadre de cette candidature à l’Exposition Internationale de 2027, quatre autres candidats ont été sélectionnés en plus de l’Espagne qui présente la ville de Malaga (à savoir l’Argentine, les États-Unis, la Serbie et la Thaïlande). Le gagnant sera annoncé lors de la prochaine assemblée du Bureau International des Expositions en juin 2023. Les retombées positives au niveau culturel, économique et social pour la nation choisie seront considérables. Vous pouvez nous en dire plus, Monsieur le Maire sur le thème notamment de cette « cité durable »…

« L’ère urbaine : vers une ville durable » est une proposition qui a pour toile de fond de répondre aux objectifs de développement durable de l’ONU. Le défi que veut relever la ville est à moyen et long terme de rendre compatibles la croissance démographique et le développement urbain tout en protégeant l’environnement et en adoptant des solutions innovantes. Garantir une amélioration de la qualité de vie des résidents de ma ville est une priorité.

Il y aussi un autre projet qui nous tient à cœur, c’est le « Plan Malaga Littoral ». Cet ensemble d’actions a pour objectif d’ajouter au centre-ville 65.000 m2 d’espace piétonnier et d’espaces verts. Une extension du parc en connexion directe avec le port doit être couplée à un développement des transports publics métropolitains. Les personnes résidant autour du centre-ville doivent pouvoir y avoir accès facilement avec le métro, les bus, etc… Pour ceux plus périphériques, ils doivent pouvoir laisser leur véhicule en dehors du centre et y avoir accès par exemple avec des bicyclettes électriques ou en bus avec toujours comme priorité, l’environnement. Maintenant, il faut trouver les bons appuis et les partenaires idéaux pour mettre tout ceci en marche. C’est pour tout cela aussi que j’ai pris la décision de me représenter en 2023.

 


Axe nouvelles technologies : Vous avez placé la Capitale de la Costa del Sol comme véritable pôle d’attraction des entreprises de nouvelles technologies. On dit souvent de Malaga qu’il s’agit de la Silicon Valley espagnole. Comment êtes-vous parvenu à un tel résultat ?

Je vais vous raconter une histoire et cela va nous conduire en France. J’ai toujours eu la ferme conviction que Malaga est une ville attractive et qu’elle a ce pouvoir d’attraction sur les entreprises. En lien avec cela, il faut remonter tout d’abord à l’exemple de l’Université de Malaga créée en 1972. Quelques années avant, dans les années 60, j’étudiais à Rennes avec le professeur Louis Malassis. Ses recherches sur le développement du monde rural étaient passionnantes. C’est aussi l’époque où l’ouvrage de Jean-Jacques Servan-Schreiber, co-fondateur de « L’Express », « Le défi américain » a été une révélation pour moi. Il s’interrogeait dans cet ouvrage sur l’endroit où il était possible en France de développer un équivalent de la Silicon Valley. Ce type de parc fut créé en France entre Antibes et Nice, sur la Côte d’Azur. Et déjà l’époque, j’avais cette vision de ce type de site pour ma ville avec ce climat, le paysage, la Mer Méditerranée. Aujourd’hui, Malaga est convoitée par les entreprises, un véritable écosystème a été créé et de nombreuses start-up se sont installées ici. Nous parvenons à bien promouvoir notre ville en collaboration avec d’autres instances telles les régionales, un véritable système de collaboration de référence a été créé. L’addition de certaines ressources publiques et privées doit permettre de mettre en place une ligne de projets innovateurs (5G, intelligence artificielle, cyber sécurité, …), mais toute cette synergie a moins d’un an et vient après l’installation ici, par exemple en 2011 de Google. Malaga a pour slogan la ville idéale pour vivre, investir et travailler. Et nous y croyons, c’est une question de foi. Malaga c’est un paradis, n’est-ce pas ? Malaga est cette ville de taille moyenne entre 500.000 et 1 million d’habitants, qui séduit. Et il faut bien entendu étendre cet aura en dehors de la ville donc au-delà de ses limites, sur la côte vers Estepona à l’ouest et vers Nerja à l’est.

 



Votre Français est exceptionnel, vous avez une réelle passion pour la France et sa culture. Vous avez collaboré avec l’Université de Rennes dans les années 60, quel souvenir gardez-vous de la France et de cette époque ?

Tout d’abord, il faut savoir que la France était à cette époque, une démocratie avec le Président De Gaulle à la tête du pays et l’Espagne ne l’était pas. Cela fait une grande différence. Je me souviens par exemple de cette grande exposition consacrée à Picasso à Paris en 1966 au Grand Palais. J’en garde un magnifique souvenir. Rennes, c’est une plus petite ville et j’ai le souvenir d’une région qui me rappelle un peu la Galice. Mais revenons à mon français, je l’ai étudié au collège car à l’époque, on étudiait en seconde langue le français et non l’anglais.

 


Francophile, quels sont les artistes ou écrivains français que vous appréciez particulièrement ?

J’ai peu de temps à consacrer aux loisirs, écouter de la musique, regarder des films mais bien entendu Édith Piaf, Gilbert Bécaud, figurent parmi ceux que j’affectionne. Et côté art plastique, il y en a aussi beaucoup, des Français mais également des étrangers qui affluaient dans Paris au cours de cette première partie du siècle dernier, Picasso et autres…


Malaga est devenue aussi une des capitales de Noël en Europe. Où passerez-vous Noël cette année Monsieur le Maire ?

Je passe toujours cette période en famille à Malaga. Je ne prends jamais beaucoup de vacances mais pendant la période des fêtes de fin d’année, je m’accorde toujours quelques jours de repos. J’aime beaucoup voyager mais en fin décembre, je reste toujours à Malaga.

 


Vous avez fait le choix raisonnable de réduire les coûts énergétiques cette année pour les illuminations. Quels sont les autres défis énergétiques qui vous attendent si votre mandat est reconduit ?

C’est vrai que depuis quelques années, pour les éclairages de la ville en cette période de fête, nous avons opté pour des lumières à faible consommation énergétique de type LED. On s’intéresse aussi de près aux éclairages classiques de la ville. Au stade actuel, 40% du système est de ce type LED et nous aimerions arriver à 100%. C’est un changement essentiel côté environnemental mais aussi d’un point de vue économique. Nous avons vu cette année une augmentation de près de 60% des coûts énergétiques et nous devons agir. Nous multiplions aussi l’installation de panneaux photovoltaïques sur les toits des bâtiments publics.

 


Vous êtes maire 24 heures par jour, parvenez-vous à dégager du temps juste pour vous ? Et comment vous évadez-vous ?

Je dois parvenir à me dégager un peu plus de temps pour moi, pour ma santé et ça passe par le sport. J’aime beaucoup nager ; c’est un sport complet pour tous les muscles du corps. Je pratique aussi le paddel. Et côté musique aussi, j’aime beaucoup me rendre à des concerts de musique classique. La programmation ici sur Malaga est riche mais c’est compliqué de me dégager du temps donc j’y vais 4-5 fois sur la saison.

 


Parlez-nous de votre relation avec Antonio Banderas, vous formez à deux l’atout séduction de la ville ces dernières années !

Ahhh ! Antonio, c’est le meilleur ambassadeur de la ville de Malaga. La semaine dernière par exemple, pendant notre passage à Paris, lors de notre conférence il est intervenu en duplex depuis Madrid pour soutenir notre candidature. Il a mis en avant les capacités de notre ville et les qualités de celle-ci pour devenir la capitale de l’Exposition Internationale de 2027. Il a mis en avant le caractère hospitalier de Malaga, que les gens qui viennent ici se sentent bien, leur donner cette sensation qu’ils sont chez eux.

 



Vous avez entièrement raison, Monsieur de la Torre, je me fais le porte-parole de la communauté francophone ici dans le sud de l’Espagne et c’est vrai qu’on y est très très bien. Ici à Malaga, on a cette sensation d’être à la maison. Notre équipe vous souhaite tous les succès pour les prochaines élections, pour l’Exposition Internationale aussi et déjà d’excellentes fêtes de fin d’année monsieur le maire.

Je vous présente, à votre équipe et à vos lecteurs, mes meilleurs souhaits et tous les bonheurs en ces fêtes de Noël. Une excellente année nouvelle aussi. C’est un réel plaisir de vous remettre à toutes et tous ces bons vœux. Merci également pour cet entretien pour votre magazine en français Esprit Sud.