Retour sur les vendanges de l’Axarquia

Rédigé le 03/09/2022
Frederic André

1

La rentrée de septembre voit aussi le retour de la récolte du raisin. Nous sommes allés à la rencontre de viticulteurs dans la belle région de l’Axarquia où le raisin moscatel est un fruit précieux et l’objet de nombreuses fascinations. Ce raisin si particulier, Patrimoine d’Agriculture Mondial symbolise depuis des générations ces valeurs partagées par les habitants des petits villages de la région. Un fruit bien entendu, mais au-delà, un processus de récolte et surtout des êtres humains, vecteurs de traditions mais également d’un riche patrimoine. 

Une nouvelle fois, l’absence de pluie au cours de derniers mois, conduit à une réduction certaine de la quantité des raisins récoltés. Au-delà des conditions météorologiques loin d’être optimales, s’ajoute un autre problème de taille. Les vignes plantées sur des terrains pouvant atteindre des pentes de 70% de dénivellation, sont compliquées d’accès. Accéder et cueillir ces précieux fruits, cela se mérite. C’est un exercice loin d’être facile. Il faut une expertise certaine et beaucoup d’habilité pour procéder à ces vendanges. De l’expérience donc pour ces équilibristes habiles sur leurs quilles. Mais voilà, ces méthodes de cueillette artisanale, à la main, ne se transmettent plus de génération en génération. Paco, à Almachar, s’inquiète pour l’avenir : « de moins en moins de jeunes s’intéressent à ces traditions liées à nos raisins. Les viticulteurs, de plus en plus âgés et de moins en moins habiles ne trouvent plus dans les nouvelles générations des personnes motivées à perpétuer ce patrimoine. Les travailleurs sont de plus en plus vieux et le travail, chaque année plus compliqué. Les jeunes trouvent ce travail trop pénible, cherchent du boulot dans les villes ». 



Il est vrai que ces vignes sont difficiles d’accès. Une réelle singularité aussi dans l’acheminement des fruits coupés vers les routes praticables est à noter. Ceux chargés de transporter les caisses empilées jusqu’aux véhicules sont de véritables équilibristes et ne peuvent souffrir de vertiges. Et la mécanisation de ces vendanges est pratiquement impossible pour Juan, propriétaire de parcelles à El Borge. « On peut juste espérer que des ingénieurs motivés s’intéressent à la topographie des lieux et à la spécificité de nos récoltes pour développer des moyens mécaniques adaptés ». Le recours à des machines à vendanger (aussi appelées vendangeuses ou « mulas mecanicas » en espagnol) permet une mécanisation du portage et du transfert des grappes. Mais Juan ajoute un bémol : « le terrain ne peut être trop en pente pour avoir recours à ces machines. Il faut une bonne accessibilité aussi. Avec ce type de récolte, on a également des pertes non négligeables. Elles peuvent atteindre 6 à 7%. Et comme chaque année les conditions climatiques conduisent à des récoltes en dents de scie, on ne peut se permettre de laisser une telle quantité de raisins dans les vignes ». 


Cette année, autre particularité des récoltes, elle est liée aux très fortes températures en août. Elle fut avancée et certaines caves à vin ont préféré procéder à la récolte de nuit dans les parcelles qui le permettaient bien entendu. Cela permet de recevoir un fruit bien frais. Cette technique nocturne est aussi répandue dans la Serrania de Ronda.  

Même si la récolte est complexe et peut s’apparenter à un véritable chemin de croix, le résultat en vaut la chandelle nous disent unanimement les viticulteurs, avec un vin délicieux qui ne déçoit jamais. Ce sont des vins qui jouissent d’une reconnaissance sur les marchés (mêmes internationaux). Les sols riches en minéraux et en ardoise, cette roche métamorphique d’origine sédentaire, confèrent aux raisins de multiples nutriments. Au niveau des variétés récoltées, on retrouve à côté du moscatel, la doradilla, le Pedro Ximen, le Romé et le Garnacha. 



Des conditions compliquées, une mécanisation impossible, une main d’œuvre rare et de moins en moins experte, des conditions météorologiques peu clémentes, les facteurs négatifs se cumulent et rendent les récoltes de cette année difficiles. La production par vigne est aussi à la baisse. Si un plant produit en moyenne 1200 grammes de raisin, cette année voit le rendement réduit à 800-900 grammes de fruits. Lors des premières récoltes, on a aussi constaté un plus petit calibre des raisins. 

L’avenir est loin d’être rose pour cette viticulture si particulière de cette belle région, située à l’est de Malaga.