Le statut d’«autonomo» à la loupe !

Rédigé le 24/03/2023
Frederic André

Il n’est pas rare d’entendre ou de lire que devenir autoentrepreneur et créer sa propre entreprise s’apparente à un réel parcours du combattant. Pourtant, ce n’est pas vraiment le cas.

Devenir « autonomo » est une démarche plutôt simple en Espagne.

Les procédures sont plutôt rapides et avec l’encadrement d’un « asesor » ou comptable compétent, devenir son propre patron devient une formalité. Vous pouvez exercer une activité professionnelle régulière (sans contrat de travail) sans limite de chiffre d’affaire, et dans laquelle votre responsabilité est illimitée. Plutôt que d’opter pour la création d’une société, passer à votre propre compte avec le statut de travailleur indépendant semble l’option la plus économique. Elle vous évite des dépenses de création d’entreprise et différents frais associés. Vous pouvez rapidement, sans attendre le passage chez un notaire, vous mettre au travail comme professionnel à votre propre compte. Le régime des travailleurs indépendants vient d’être revu après de longues négociations entre le gouvernement et les forces en présence. Un accord fut obtenu l’été 2022 et la nouvelle loi s’applique depuis le 1er janvier 2023. 



Les règles de base… Ne devient pas autoentrepreneur qui veut !

La condition primordiale à l’obtention de ce statut est de devenir résident fiscal espagnol. Cela veut dire que vous devez passer au minimum 183 jours par an sur le sol du pays. S’y ajoute le fait d’y exercer bien entendu vos activités (cela se justifie par les factures émises, les notes de frais, les loyers payés etc…) mais aussi de cotiser et de payer ses impôts dans le pays.

Une fois la première condition remplie, il vous reste à cocher les deux cases suivantes:

- Disposer d’un N.I.E. (numéro d’identification d’étranger). Ce document est important dans votre pays d’accueil. Il vous sera régulièrement demandé et vous permettra de réaliser de nombreuses démarches administratives. Il vous permettra dans le cas présent de payer vos impôts en Espagne.

- Ouvrir un compte bancaire à votre nom en Espagne. Cela permet les paiement de la cotisation de Sécurité sociale (le dernier jour du mois via un prélèvement automatique) et de vos impôts tous les 3 mois.

Ensuite, muni de votre N.I.E., direction le centre des impôts appelé « hacienda » ici en Espagne. Généralement sans rendez-vous, il vous sera demandé de compléter le formulaire 036 ou sa version généralement simplifiée, le 037. Sur ce document, figurent vos informations personnelles mais également tout ce qui est en lien avec vos activités professionnelles (branches de métier, missions…) et votre situation personnelle. Attention, si dans le cadre de vos activités professionnelles, vous facturez en dehors du territoire espagnol, il vous est demandé de compléter plutôt le formulaire 036, qui permet de vous inscrire au Registre des Opérateurs Intracommunautaires (ROI) et d’y obtenir un numéro de TVA intracommunautaire.

Vient enfin l’étape de la Sécurité sociale espagnole afin d’obtenir un numéro d’identification. Après le passage à l’hacienda, vous avez 60 jours pour entamer les démarches. Munissez-vous d’une copie du formulaire 036 ou 037, de votre N.I.E. et de votre document d’identité (carte d’identité ou passeport). Cet enregistrement au régime spécial des travailleurs autonomes (« Régimen Especial Trabajadores Autónomos ») se réalise au travers d’un formulaire appélé TA0521. Communiquez-y également votre numéro du compte bancaire espagnol. Au départ de celui-ci sera débité chaque mois votre cotisation à la Sécurité Sociale.

Les échelles de cotisation et le nouveau système en 2023

Si auparavant, les cotisations étaient « fixes », un régime différent est d’application depuis le début de l’année. Il se base sur les revenus réels des travailleurs. La volonté est bien entendu de rompre avec les inégalités. Prenons un exemple : un indépendant dont les revenus nets étaient de 500 euros, payait les mêmes cotisations que celui dont le salaire dépassait les 4000 euros. Par ce nouveau système, l’objectif est aussi de parvenir, à moyen et long termes, à l’égalisation des pensions perçues par les travailleurs indépendants et salariés. En 2022, un retraité touchait en moyenne 850 euros (indépendant) et 1500 euros (salarié). Une différence importante liée au fait que même si les travailleurs indépendants pouvaient opter pour des cotisations plus importantes leur garantissant par la suite une allocation de retraite plus confortable, près de 90% continuaient à opter pour la cotisation minimale.

Depuis le 1er janvier 2023, le Trésor Public supervise et effectue le contrôle des chiffres enregistrés du côté des revenus et des déductions pour chaque travailleur. Ces fonctions ont pour objectif d’établir bases et taux de cotisation. Ce sont donc près de 3,5 millions de travailleurs indépendants sur la péninsule qui verront ce nouveau modèle s’appliquer. Une période de transition de 9 années conduira au modèle définitif en 2032. Il se décompose notamment en quinze tranches de revenus nets auxquelles correspond une cotisation minimale (voir le tableau cijoint). Par exemple, si votre revenu net est inférieur à 670 euros, vous paierez une cotisation de 230 euros. Rappelons que jusqu’à présent, le travailleur cotisait sur une base volontairement choisie. Depuis janvier, c’est au départ du revenu réel que tout travailleur indépendant paie ses cotisations.



La régularisation correspondant à chaque exercice sera effectuée l’année suivante sur base des données contrôlées par le Trésor Public et par les administrations régionales. Les autorités fiscales joueront donc un rôle crucial en communiquant quelles seront les différentes déductions auxquelles auront droit les travailleurs indépendants dans l’établissement de leurs revenus nets. C’est un système qu’on peut qualifier de plus « juste », de plus souple aussi qui entre en vigueur. Parmi les nouvelles dispositions, le travailleur indépendant pourra choisir dorénavant sa base de cotisation 6 fois par an (et non plus 4). Le téléphone portable deviendra son meilleur allié car grâce à une application et au développement du traitement électronique renforcé, il pourra accéder à toutes ses données, son dossier complet d’indépendant, s’inscrire ou se désinscrire, opter pour sa tranche d’imposition, payer la cotisation qu’il désire et même effectuer des simulations afin de connaître avec précision la quote-part à payer et ce, en fonction des revenus…

Autre nouveauté qu’amène cette réforme est un allègement f iscal de 10% sur le plan de pension (un crédit d’impôt de 10% pour les cotisations à un plan de retraite dans l’impôt sur le revenu des personnes physiques, l’IRPF). 


Et pour ceux qui débutent, qu’est-il prévu ?

Le nouveau système balaie les anciens avantages de la « tarifa plana » mais en introduit des autres. Démarrer son activité est un exercice compliqué. Avant la récente mesure, les nouveaux travailleurs indépendants payaient 60 euros les 12 premiers mois (soit 80 % de réduction sur base de 283,30 euros, cotisation minimale fixée), 141,65 euros du 13ème au 18ème mois (soit 50 % de réduction) et 198,31 euros du 19ème au 24ème mois (soit 30 % de réduction). Un nouveau type de soutien est prévu. Il se traduit par une réduction de la cotisation. Pendant une année, elle est fixée à 80 euros par mois. Si les revenus du travailleur indépendant restent réduits voire inférieurs à ceux perçus la première année, cette mesure peut être prolongée de 12 mois. J’ouvre ma boutique !

Et pourquoi pas une société anonyme (« sociedad anónima ») ou une société à responsabilité limitée (sociedad de responsabilidad limitada ou S.L.) ?

Le choix du statut juridique de votre entreprise peut se poser. Allez-vous opter pour le régime d’« autonomo » ou pour la création d'une entreprise? De nombreux critères doivent être pris en considération (comme le type d’activité, sa taille, les capitaux dont on dispose,…). Chaque option a bien entendu ses avantages et ses inconvénients. Cette décision doit être mûrement réfléchie et prise idéalement avec l’appui d’un spécialiste qui vous éclairera.

Chaque situation est particulière et un cas n’est pas l’autre. Au-delà de l’aspect financier, la question de la responsabilité est aussi au cœur de la question. La comptabilité d’une entreprise est différente de celle d’un « autonomo » où l’on enregistre les factures émises et celles reçues. Elle vous fait pénétrer dans les méandres d’un Plan Comptable Général. Enfin, si la TVA est commune dans les deux cas, le montant de l’impôt que paie un travailleur indépendant (considéré comme personne physique) est différent de celui payé en tant qu’entreprise. Côté « autonomo », l’impôt est progressif en fonction de vos revenus avec différents paliers. L’Impôt sur les Sociétés (I.S.) est quant à lui forfaitaire et f ixé à 25% des bénéfices de votre entreprise. L’option « société » peut certainement profiter au long terme avec l’avantage d’être composée de parts et rendant la gestion des différents associés et les augmentations du capital plus aisées. 


L’aide d’un expert ...

On ne peut que vous conseiller d’avoir recours à un professionnel mais attention, pas à n’importe quel prix. Les frais des prestations peuvent varier du simple au quadruple pour les mêmes prestations rendus. Il est clair que confier toutes ces démarches à un expert conduit généralement à des gains d’argent mais aussi de temps. Chacun son métier. On peut parfois être tenté de faire confiance à des experts en ne favorisant que la question linguistique. Il vaut mieux parfois un excellent comptable espagnol qui ne maîtrise que quelques mots dans la langue de Molière qu’un parfait bilingue espagnol-français mais piètre professionnel. N’hésitez pas à poser la question autour de vous, aux personnes qui ont franchi le pas et s’ils sont contents des services de leur fiscaliste. De bonnes recommandations conduisent souvent à faciliter la tâche.

Les étapes qui mènent au statut d’« autonomo » ne sont pas complexes mais le processus et les différentes démarches sont clairement facilitées par un comptable. Son rôle est multiple. Au-delà de l’acquisition du statut, il est de précieux conseils pour vous guider tous les trois mois dans vos déclarations d’impôts sur le revenu que l’on appelle ici IRPF (sachez que si les trois premières années vous bénéficiez d’un IRPF de 7%, après cette période initiale de cotisation, vous passez à 15%) et pour le calcul de TVA. Il peut prendre également en charge votre déclaration annuelle, celle de « la Renta ». 


Devant la multitude des opportunités de business dans le sud, vous êtes de plus en plus nombreux à vouloir vous installer en Espagne et emprunter le chemin de l’entreprenariat. Monter sa propre affaire au soleil est à la portée de tous ! Faut-il encore préparer de manière optimale son projet et disposer des conseils avisés des professionnels du secteur pour débuter au mieux ses activités de travailleur indépendant…