Voici donc venu le temps des ferias. Alors que les amandiers et les mimosas sont en fleurs, l’excitante période des fêtes de villes et de villages nous revient pour notre plus grand plaisir.
Toutes ces populaires ferias vous font vibrer jusque la fin du mois d’octobre. Elles sont l’occasion de perpétrer diverses traditions où se mêlent art équestre, danses, folklores et musiques.
Les huit provinces andalouses voient se succéder ces fêtes inoubliables dans leurs villes et villages.
Comme le veut la tradition, c’est la capitale andalouse qui ouvre le bal. Séville vibrera du dimanche 14 avril au samedi 20 avril, une effervescence que connaîtront les Sévillans mais aussi les nombreux visiteurs à cette occasion.
Esprit Sud Magazine revient sur les codes, les indispensables à une fête réussie et vous éclaire afin d’être le mieux équipé pour vivre pleinement une expérience unique.
La Portada
À minuit, le premier soir de la feria, s'illumine toute l'enceinte de la féria après que la célèbre et emblématique « portada » du site brille de mille feux. Cet « alumbrao de la portada », de l’entrée principale, éblouit la foule qui se presse tout autour et il est de tradition de se faire photographier devant cette arche démesurée qui représente généralement un bâtiment symbolique de la ville. L’an dernier, c’est une représentation de la façade du musée des coutumes et arts populaires, le fabuleux pavillon mudéjar de l'exposition ibéro-américaine de 1929, recouverte de plus de 20 000 ampoules, qui avait été choisie. Ces illuminations marquent donc le début d'une semaine complète de festivités, pour le plaisir des petits comme des grands!
Les « casetas »
Que seraient ces extraordinaires fêtes sans les magnifiques « casetas »? Ceux qui désirent vivre cet événement de taille, se pressent aux portes des maisonnettes, appelées « casetas ». Elles sont équipées d'un bar, d'une cuisine mais aussi d’une scène et d’une piste de danse. Elles offrent aux visiteurs de délicieux mets traditionnels. Dans celles-ci, l’alcool coule à flot pour enivrer les Andalous qui terminent le repas en rejoignant la piste de danse pour entamer les fameuses sevillanas et ce, jusqu’au bout de la nuit. À Séville, la particularité est qu’il existe des « casetas » privées et publiques. L'accès aux premières est réservé aux membres et invités des propriétaires. Les maisonnettes sont décorées avec soin aux couleurs flamencas et sont souvent de véritables bijoux, plongeant les convives dans un univers festif unique.
Le « paseo de los caballos »
La célèbre foire de Séville est indissociable des promenades à cheval dans les allées du Recinto Férial. En effet, l’un des protagonistes principaux de ce festival est sans le moindre doute le cheval. Vous verrez défiler les plus beaux chevaux andalous, les caballistas et enganches, c’est une démonstration sans pareil d’élégance qui suscite l’admiration de tous ceux qui les contemplent. Les attelages sont magnifiques et le ballet incessant de ces voitures tirées par de fiers chevaux, donne le tournis.
El traje de flamenca
Peut-on parler des ferias sans aborder la mode flamenca et les tenues qui nous rappelle que le flamenco est bien plus qu'une musique? C’est en effet toute une culture qui entoure ses principaux éléments que sont « el cante » (le chant), « el toque » (le jeu de guitare) et «el baile » (la danse) et elle inclut les robes et les vêtements utilisés. Notons que la célébrissime robe de flamenco est le seul costume régional d'Espagne se soumettant aux dictats de la mode. Si vous vous êtes promenés à Séville, chers lecteurs, ces derniers jours, vous avez pu constater que les affiches publicitaires mettant en scène les nouvelles collections de robes de flamenco fleurissaient partout.
De nouvelles tendances voient le jour chaque année alors que se prépare la grande feria de printemps dans la ville de Séville. C’est lors des foires au bétail qui se déroulaient au XIXe siècle, en Andalousie que les épouses des éleveurs, les gitanes et autres paysannes portaient des blouses à motifs colorés et des tabliers à volants. Une tenue qui passa ensuite des classes inférieures aux classes supérieures, jusqu’à donner la forme que l’on connaît aujourd’hui. En 1929, avec l'officialisation de la « Feria de Abril de Séville » et la grande Exposition Ibéro-Américaine, le fabuleux costume gagna ses lettres de noblesse alors que la foire agricole se mua en fête célébrant la musique, la gastronomie et la danse. Depuis 1996, se déroule le salon international de la mode flamenca, au Palais des expositions et des congrès de la ville. Des défilés y sont organisés, plus de 50 créateurs s’y bousculent pour présenter leurs nouveaux modèles et près de 80.000 visiteurs sont enregistrés chaque année.
El mantoncillo
Voici un accessoire vestimentaire qui ne passe pas inaperçu! Ce châle est un foulard triangulaire qui peut mesurer jusqu’à 2 mètres de large. Il sublime la robe de flamenco et devient, lors des chorégraphies de Sevillana, un accessoire indispensable pour une danse réussie. Avec ses couleurs chatoyantes, ses broderies fines et sa soie délicate, cette étoffe est portée de manière différente et contribue à l’élégance de la Sévillanne.
Le “sombrero de ala ancha”
Mets ton « sombrero de ala ancha » et direction la feria! Les hommes portent généralement ce chapeau élégant à larges bords plutôt de couleur noire. Cet accessoire indispensable à la gente masculine était à la base généralement réservé aux ecclésiastiques. Les femmes élégantes sur les chevaux le portent également et il n’est pas rare que l’on appelle cette coiffe, le “sombrero cordobese” ou “sombrero rocerio”.
Danser la Sevillana
Parmi les danses de flamenco brille celle de la Sevillana. Elle exprime toute une histoire, celle d’une rencontre amoureuse se déroulant en 4 parties, la rencontre, la séduction, la dispute et la réconciliation. Elle se danse sur une mesure à trois temps, dont le premier est le plus marqué et les deux suivants le sont moins. Dans les “casetas”, dans les allées du Recinto Ferial et dans les rues de la ville, on la danse en couple et même en large groupe. L’origine des sevillanas est à puiser dans ce qu’on appelle les “seguidillas castellanas”, ces pas de danse remontant à l’époque des rois catholiques et qui se sont enrichis des airs de flamenco au fil du temps. Cette danse poétique est une invitation au voyage dans l’Andalousie, terre de traditions avec qui elle garde de fortes attaches. Lors de la feria, la Sevillana est partout!
Des “farolillos” pour une fête réussie
Les fêtes de villes et de villages sont indissociables de cette multitude de joyeux "farolillos" que l’on pourrait traduire par petites lanternes. Jusqu’à la fin du XIXème siècle, l’esthétique des foires agricoles n’était pas uniforme. Chacune disposait d’ornements propres pour sa “caseta” jusqu’à ce qu’un modèle fut imposé qui continue à être utilisé. Quand les hommes d’affaires José Maria Ybarra et Narciso Bonaplata ont créé la Foire du Bétail en 1847, l’enceinte n’imposait donc aucun modèle strict. Tout était improvisation et les décorations militaires côtoyaient celle de type champêtre. Une date clé a changé la donne. Elle est liée à la visite de la Reine Elizabeth II en 1877. Pour l’accueillir, les organisateurs ont pensé qu’il était opportun de donner un aspect plus ordonné à la Foire et ont chargé le peintre Gustavo Bacarisas des décorations. Il s’est alors inspiré des lampions chinois et inventa les lanternes en papier. Il existe depuis 1983 une ordonnance municipale réglementant l’utilisation obligatoire de cet ornement.
Los cacharritos
Les fameux « cacharritos » sont l’une des icônes de la Foire de Séville. Tous ces manèges qui occupent une zone annexée à celle des « casetas » amusent tant les petits que les grands. Les cris des courageux qui osent grimper dans les attractions les plus vertigineuses se mêlent aux rires et aux musiques. L’odeur de la barbe à papa, appelée en espagnol « algodón de azúcar » (coton de sucre) vous accompagnera dans les allées de cette fête foraine pas comme les autres ! Renseignez-vous sur le jour exacte où tombe « el día del niño en la feria» (journée de l’enfant), journée particulière où les manèges et autres attractions sont à prix cassé.
Un «rebujito» désaltérant !
Pour étancher votre soif, rien de tel que de commander « una jarra de rebujito », un pichet de cette boisson phare de la feria. Cette carafe vous coûtait environ 12 euros l’an dernier et cela se déguste avec une petite assiette d’amandes grillées (plus ou moins 3,50 euros). On prépare celui-ci avec du vin « Manzanilla » ou « fino » et une limonade (comme le Sprite). Elle est très appréciée lors des ferias qui se déroulent dans les provinces de Séville, de Huelva, de Cordoba et Cadiz. On peut y ajouter aussi de la délicieuse menthe fraîche pour une expérience unique !
La Manzanilla
Le vin «Manzanilla» coule à flot durant les huit jours de cette belle fête. Il n’y a pas de Feria de Séville sans ce délicieux nectar que l’on peut traduire par « camomille ». C’est la boisson la plus consommée sur le Recinto Ferial appelé également le Real. A chaque édition, ce sont plus de 1,5 millions de bouteilles qui y sont consommées. Ce cru originaire de Sanlúcar de Barrameda est un vin à base de raisin « Palomino » fin. Ce n’est qu’à cet endroit, à l’embouchure du fleuve Guadalquivir dans l’Atlantique que ce breuvage capte à merveille les caractéristiques climatiques rendant possible le voile de fleur et les effluves marines qui accompagnent le vin pendant les années passées dans les barriques. Il existe au total 24 bodegas produisant cette « manzanilla » et pour cet événement précis, des demi-bouteilles avec une capacité de 375 ml sont produites pour éviter qu’il ne soit trop vite chaud. L’idéal est de consommer ce breuvage très froid, entre 5 et 7 degrés Celsius. Pour la maintenir à cette température idéale, les seaux remplis de glace fleurissent sur les tables des « casetas ».
Dans les estomacs, le « pescaíto » !
Ce délicieux mets occupe une place majeur sur les tables des jolies « casetas ». ce plat a d’ailleurs une journée qui lui est dédié lors de la célèbre feria. «El día del pescaíto» correspond cette année au samedi 13 avril. On organise le traditionnel dîner du « pescaíto » quelques heures avant la fameuse illumination du Recinto Ferial. C’est l’un des événements les plus marquants de la célèbre fête où les familles et les amis se réunissent dans les « casetas » pour déguster les délicieux poissons frits. Bien entendu, on retrouve d’autres plats comme des charcuteries ou des fromages. Cette soirée «del Pescaíto» puise son origine dans une légende qui racontait que l’on devait faire frire le poisson pour qu’il se conserve plus longtemps. Quoi qu’il en soit, cette délicieuse friture de poisson est un pur bonheur pour le palais !
De magnifiques « fuegos artificiales » !
Alors que la Foire de Séville 2024 débute par l’illumination en grande pompe du Recinto Ferial, la plus grande fête de l’année se clôture par un impressionnant feu d’artifice le dernier jour, à savoir le samedi 20 avril, cette année, précisément à minuit. Aucun Sévillan ne veut manquer ce grand spectacle qui annonce qu’il est temps de se reposer après une fête sans interruption pendant huit jours. Nous vous conseillons pour profiter pleinement de cet événement de taille de vous rendre à la « Muelle de las Delicias » où la vue est la plus belle sur cette explosion dans le ciel de toutes ces couleurs. La zone du Pont de Triana est également un endroit parfait pour ne rien manquer de ce feu d’artifice magique !
Vous voilà armés, chers lecteurs, pour une Feria réussie cette année. Vous maîtrisez à présent, tous les codes de cette fête incroyable qui fera chavirer votre cœur. Cette année, on attend plus de quatre millions de visiteurs dans les allées du « Real » de la Feria, impressionnant n’est-ce pas ?
Alors, belle Feria à toutes et tous !