Pourquoi semble-t-il toujours pleuvoir lors de la Semaine Sainte ?

Rédigé le 25/03/2024
Frederic André


Voilà une question intéressante. Peu importe quand tombe la Semaine Sainte, il semble que la pluie aime toujours faire acte de présence en ces 8 jours cruciaux.

Esprit Sud Magazine tente de découvrir si il y a une certaine logique derrière ce lien entre Semaine Sainte et les conditions pluvieuses. 



Ce Dimanche des Rameaux a connu son lot d’annulation de processions à Malaga mais également aux quatre coins de l’Andalousie. C’est le cœur déchiré, qu’Antonio Banderas, membre des Reales Cofradias Fusionadas, a exprimé hier, toute sa tristesse de ne pas porter le trône de Maria Santisima de Lagrimas y Favor. Certaines processions ont eu lieu avec d’immenses bâches en plastique protégeant les figures religieuses.

Il semblerait donc que ces fêtes coïncident souvent avec une période climatologique particulièrement instable. Les confréries et les amateurs de processions de la Semaine Sainte scrutent le ciel et rencontrent ce protagoniste qu’il aimerait tant ne pas retrouver, la pluie. C’est tout un paradoxe. Il manque cruellement d’eau et elle est attendue comme une bénédiction, mais pourquoi lors de la Semaine Sainte. La Passion, la Mort et la Résurrection de Jésus de Nazareth semble attirer pluie et bourrasques !

Pourquoi pluie et Pâques font-ils si bon ménage? On peut répondre à cette question de plusieurs manière. En ce qui concerne le facteur « temporel », cette fête est plutôt mobile car elle tombe chaque année à une date différente. Celle-ci a été décidée par le Concile de Nicée (en 325). Le Dimanche de Pâques où se célèbre la Résurrection du Christ est celui qui tombe immédiatement après la première pleine lune suivant l’équinoxe de printemps (21 mars). En découle, le Dimanche des Rameaux, 7 jours avant celui de la Résurrection. Les célébrations peuvent donc se dérouler du 22 mars au 25 avril et cette année elle tombe du dimanche 24 au dimanche 31 mars. À l’équinoxe de printemps, lorsque les jours deviennent plus longs que les nuits, un temps instable et pluvieux, avec des changements soudains est souvent enregistré.



Certains poètes y verront l’apparition de symboles. Ils compareront la pluie avec les larmes de ceux qui pleurent le sacrifice du Christ. Il est vrai que cette semaine est probablement la semaine la plus mélancolique et triste de l’année. Prenons par exemple cette nuit interminable de Jeudi à Vendredi Saint. Pluie et larmes coulent à profusion.

Côté scientifique, rappelons que la Semaine Sainte est, de près, intimement liée à l’équinoxe de printemps. Le changement de saison est le résultat de la rotation de la Terre autour du Soleil. Cette période semble aussi être associée à une plus haute fréquence de raz-de-marée et d’accidents météorologiques pouvant être dramatiques. Quant au lundi de Pâques qui survient après la pleine lune, les jours immédiatement avant la fête sont des jours de vieille de lune, c’est-à-dire de lune en déclin. Une phase lunaire dite triste, émaillée voire la phase cadavérique de l’astre. Il existe aussi ce proverbe, « en abril, lluvias mil » (en avril, pluie mille). On peut également s’intéresser aux pluies printanières qui semblent être associées à nos célèbres processions. Les nuages se forment à partir de la vapeur d’eau qui s’évapore de la surface de la planète. Au cours de la transition printanière où les températures passent du froid à chaud, l’air autour de nous commence à augmenter côté température. Ainsi, l’air frais et sec de l’hiver est combiné avec l’air chaud et humide de l’été. Le mélange des températures fait monter l’air et l’humidité s’échappe sous forme de pluie. Cette combinaison d’air froid et chaud favorise la condensation qui elle-même, conduit aux pluies. C’est un peu le même phénomène que l’on observe lorsque nous prenons notre douche. En ouvrant une porte ou une fenêtre, l’air frais qui entre dans la salle de bain conduit à ce que la vapeur d’eau sur les carreaux et les miroirs commence à couler.

Il faut aussi ajouter que dans les zones en bordure de mer, l’océan contribue également à la formation des pluies de la fin du mois de mars et du début d’avril. En effet, la température de la mer, au cours de cette période, est généralement plus basse par rapport aux autres mois. On a d’ailleurs observé des phénomènes comme celui du « Taro ». Comme les jours deviennent également de plus en plus chauds, les températures plus fraîches de la mer, entrent en collision avec l’augmentation de la température de l’air. Cela conduit à provoquer des pluies. Bien entendu, cet équilibre est en train de changer à cause du changement climatique. Les hivers sont plus courts et les printemps semblent de plus en plus précoces. L’augmentation des températures perturbent également tous les modèles météorologiques. A mesure que la planète se réchauffe, plus d’eau s’évapore, générant plus d’humidité dans l’atmosphère tant sur les terres qu’au-dessus des océans.

Ces pluies sont plus fortes et peuvent provoquer davantage de tempêtes, jusqu’à augmenter le risque d’inondations. En revanche, les mois plus chauds apporteront définitivement beaucoup moins de pluie à l’avenir.



Quand on se plonge dans les rapports météorologiques de AEMET qui recueille toutes les données depuis 1981, il apparait que la période du 24 mars au 1er avril coïncide à des précipitations extrêmement fréquentes et cela, en effectuant un relevé dans plus de 50 villes espagnoles. Selon les statistiques, dans plus de la moitié d’entre elles, il a plu un tiers des jours de cette semaine et dans plus de 10 villes, les chiffres sont supérieurs à 50% de jours de pluie.

A l’heure où se termine l’écriture de cet article, seul le Mercredi Saint devrait être dépourvu de pluie à Malaga. A Séville, le pourcentage de pluie pour les deux jours (et la nuit) plus importants de la Semaine Sainte, à savoir le Jeudi Saint et le Vendredi Saint, est de 100%. Beaucoup de larmes couleront face aux annulations des processions qui s’enchaîneront plus que probablement. Beaucoup d’eau coulera du ciel, ce qui est, une bénédiction avant alors que l’Espagne connaît probablement la pire sécheresse de son histoire.