Affiches “Semana Santa” entre tradition et évolution

Rédigé le 25/01/2023
Frederic André

Nous vous proposons aujourd’hui de nous intéresser aux affiches de Semaine Sainte et à leur évolution. Elles sont devenues un des facteurs incontournables de cette semaine si importante pour les espagnols. 

On peut véritablement parler d’art en ce qui concerne ces célèbres affichent qui annoncent les fameuses processions dans chaque ville et village. 

L’affiche est révélée dans le courant du mois de janvier par les administrations communales lors d’une cérémonie officielle où la presse est convoquée. Les confréries et autres passionnés de la Semana Santa attendent avec impatience que l’affiche soit révélée et s’interroge sur le graphisme choisi. 

Elles ont beaucoup évolué et les choix artistiques opérés sont différents chaque année.

Qu’il s’agisse de peintures aux couleurs écrasantes, de symboles religieux reflétants les aspects principaux de ces fêtes traditionnelles ou encore de photographies illustrant des figures pieuses, elles font l’objet de ferventes recherches par de nombreux collectionneurs. 

 

Le dimanche 2 avril débutera cette semaine de ferveur avec le dimanche des Rameaux. 

Ces célébrations mêlent religion catholique, tradition et art. 

Le volet artistique fait partie intégrante de ces manifestations et cela débute notamment avec les affiches annonçant celles-ci. Un artiste de renom est parfois choisi par une ville ou des concours sont organisés afin de sélectionner l’affiche qui deviendra pour la ville, l’emblème de cette semaine. 

A l’origine, les premières affiches étaient peintes à la main et affichées directement dans les églises. Elles découlent bien entendu de cette importante tradition de mécènes, d’artistes ayant été d’importants promoteurs de l’art liturgique. 

Ce n’est qu’en fin du XVème siècle et l’arrivée de l’imprimerie ( créée par Johannes Gutenberg) que la reproduction de ces affiches débuta. Cette invention a donné l’impulsion utile à la propagande qui en découlera. 

Il faut malgré tout attendre le début du XXème siècle pour voir ces affiches de Semaine Sainte devenir une véritable institution. 

Elles deviendront une démonstration artistique, objet de fierté des organisations religieuses et des administrations municipales. 


Les dernières décennies ont été marquées par des évolutions de styles. 

Voici quelques superbes exemples d’affiches de Semaine Sainte :



Malaga en 1929: 

Voici une affiche au dessin très coloré dans la pure tradition andalouse. Des couleurs vives (du fuchsia, de l’orange ou du violet) mettent en valeur ces deux femmes en tenue flamenco. On distingue aussi en arrière-plan un trône où est placée une figure de la vierge. On remarque que le texte et l’information qu’il véhicule, occupe une grande partie de l’affiche aussi. Le message est clair, le dessin est élégant et la religion se mêle à une autre tradition, le flamenco. 



Grenade, 1943

Alors que les années 20 et 30 misaient sur des couleurs chatoyantes, ce sont des couleurs ternes qui auront les préférences des artistes dans les années 40, années de guerre. Dans cette affiche grenadine de 1943 on retrouve la mise en scène du sacrifice de Jésus-Christ et des douleurs ressenties par celui-ci. Elle est plutôt austère. Sur cette affiche, prédomine la couleur orange, qui nous transmet la sagesse. C’est la couleur de la guérison aussi, elle libère les émotions négatives. On voit sur l’affiche une représentation d’un Nazaréen cagoulé portant la lourde croix sur le dos. Cette image est extrêmement simple et a pour objectif de procurer une sensation “profonde et frappante”. 



Séville, 1951

Observons cette affiche aux couleurs plus vives. Le tracé est aussi différent, les personnages historiques dominent l’idée générale véhiculée. Plus “solennelle”, cette affiche ne montre en rien le quotidien ou l’émotionnel. On découvre un soldat romain et à l’arrière de celui-ci, un personnage portant une toge blanche (il peut s’agir d’un saint). Ce dernier tient un objet devant une figure de Jésus-Christ. Le message choisi ici est communiqué de manière plus agressive et plus frappante, tant dans le choix des couleurs que dans les expressions des visages. L’or symbolisant la richesse et le rouge, représentant la colère et le pouvoir, dominent l’image. 

Le message est écrit en vert pâle et paraît plus secondaire. Ce sont les personnages qui ont toutes les priorités sur cette illustration sévillane.



Seville, 1983

Ce type d’affiche marque un tournant dans l’histoire des “carteles de Semana Santa”. Ici la peintre Carmen Laffón veut nous présenter une Semaine Sainte plus intime avec cette Vierge de la Candelaria, figure importante du Mardi Saint. C’est avec ce style si délicat où des couleurs pastel mettent en évidence cette représentation de fleurs blanches symbolisant paix, pureté et propreté, en lien direct au sentiment de Dieu. La teinte bleu-gris est synonyme de sincérité, d’harmonie, de sophistication et de fidélité. 

L’artiste peintre désirait représenter un réel miroir de ce que nous sommes et de ce que nous voulons transmettre, c’est pourquoi cette affiche ressemble à un “reflet”. 

Cette affiche figure toujours aujourd’hui sur les murs du Sénat comme représentation de l’Andalousie, installée sous Felipe González. 



Séville, 2022 

Séville avec le nombre impressionnant de confréries ( plus de 60!) est la capitale incontestable de la Semaine Sainte. Durant une semaine on commémore la passion, la mort et la résurrection du Christ.

Cette dernière image est la plus actuelle et elle impressionne par ces couleurs vives qui semblent exploser. Le bleu représente la liberté, l’harmonie, la loyauté alors que le vert signifie la guérison, le renouvellement et la tranquillité (de sorte que le christ à la moitié du visage peinte en vert). 

Une autre couleur très présente sur cette illustration est le jaune qui représente la haine, l’envie, la jalousie et l’ensemble des pêchers capitaux (et de par les péchés commis, l’autre moitié du visage est en jaune). 

C’est le rose qui a été choisi en fond du dessin pour symboliser l’espoir et inspirer la chaleur et les sentiments de confort.

Cette affiche se veut aussi par ce dessin très graphique (on dirait presque un graffiti) toucher une jeunesse qui peut se désintéresser des religions et des traditions en lien avec celle-ci. Une tentative par ce clin d’œil de se montrer “plus moderne”. 


Les affiches de la Semaine Sainte sont donc le profond reflet de notre époque. Elles puisent dans les symboles de la société et bien évidemment dans les imageries religieuses en lien avec cette semaine si importante. 

Cet outil publicitaire de propagande fait partie du patrimoine et génère dès sa diffusion et son dévoilement, une nouvelle ferveur, une attente mêlée d’impatience aussi, pour cette semaine si riche en émotions.