Patricia Lobato Golfeuse professionnelle

Rédigé le 10/02/2022
Frédéric André

En cette fin de l’année 2021, le golf a véritablement le vent en poupe.

La crise sanitaire a amené un nombre impressionnant de nouveaux adeptes sur le green, et parmi ces nouveaux passionnés, on recense une majorité de femmes. 
Nous sommes allés à la rencontre de Patricia Lobato, golfeuse professionnelle. Elle s’adonne au golf avec une telle passion que l’écouter parler de ce sport vous donne instantanément l’envie de se saisir d’un club ! Elle nous a reçu au Golf de Los Naranjos de Marbella. C’est justement sur ce très beau parcours que s’est déroulée la finale de l’Open d’Espagne féminin du 25 au 28 novembre. 

Bonjour Patricia, présentez-vous à nos lecteurs…

Je suis joueuse professionnelle et depuis deux ans, responsable d’une académie de golf pour enfants à Los Naranjos. Originaire de Sotogrande, j’étais une petite fille très sportive. Alors qu’au sein de ma famille c’était le football qui primait, dans celle de ma meilleure amie, c’était le golf. Toute sa famille y jouait et c’est ainsi qu’a débuté ma passion. Je devais avoir 10 ans lorsque je me suis rendue pour la première fois sur un green. Je suis tombée amoureuse de ce sport et je n’ai depuis jamais délaissé mes clubs de golf. Toujours en rapport avec le golf, je suis également présentatrice d’un programme de télévision consacré à ce sport sur « Teledeporte ». Le seul programme de golf sur la chaîne de télévision publique.

Comment s’appelle ce programme sur «Teledeporte» ?

L’émission que je présente s’appelle «Hola Golf». Elle est diffusée tous les mercredis matin. On y retrouve de l’actualité en lien avec ce sport et on met en avant le côté sain de pratiquer cette discipline. L’objectif est de faire connaître le monde du golf au grand public. Il est bien entendu possible de revoir les émissions via le site de la chaîne. Retrouver une émission quotidienne sur le golf sur une chaîne non privée, est significatif d’une démocratisation de ce sport ; cette discipline sportive n’est plus réservée à certaines élites.

Tu jongles donc avec trois métiers différents, joueuse professionnelle, formatrice et présentatrice.

A vrai dire, j’ai enfilé ma casquette de professeure de golf pour enfants par nécessité. Je menais une carrière de joueuse professionnelle pendant l’une des pires périodes du Tour Européen. Peu de tournois étaient organisés et nous ne recevions que peu de soutien de sponsors ; cela a conduit de nombreux professionnels à trouver d’autres activités afin de joindre les deux bouts. Il fallait trouver une parade et chercher des sources de revenus complémentaires. J’ai donc commencé à donner des cours le samedi ou le dimanche lorsque je vivais à Madrid. Ensuite, j’ai eu le désir de revenir ici sur mes terres natales et Los Naranjos en 2019 m’a fait la proposition de créer mon académie au sein de leurs installations. Je ne pouvais refuser cette proposition. Et le travail que je fais avec les enfants est devenu ma seconde passion en lien avec ma première pour le golf.

Avant notre interview, vous étiez avec une de vos élèves Emelie Varlsson ; vous l’aidiez dans ses devoirs après son entraînement. Elle dit de vous que vous êtes plus qu’une coach sportive, que vous êtes une confidente et une vraie amie. Emelie aime chez vous l’énergie que vous lui transmettez, vous l’aidez à se dépasser et à ne plus douter, ne plus avoir peur. En vous côtoyant, elle gagne en confiance et vous perçoit comme une grande sœur sur qui elle peut compter, non seulement sur le green mais aussi en dehors ; une personne à qui l’on peut tout dire.

Cela me touche énormément. J’essaie d’entretenir d’excellents liens avec mes élèves ; cela a été une immense surprise pour moi de découvrir que j’aimais enseigner. C’est un échange riche et sur les 40 élèves de l’académie, la majorité sont des filles. Elles ont une persévérance incroyable et aiment jouer avec d’autres copines. Au final, nous avons construit une petite communauté au sein de laquelle règne une excellente ambiance. On a du plaisir à se revoir, à jouer ensemble, à progresser. Nos rencontres sont des beaux moments passés entre amies.

Va-t-on vers une féminisation du golf ? En 2021, le monde de ce sport n’a-t-il plus cette étiquette qui lui est attachée d’environnement misogyne, très «gentlemen only» ?

Il est vrai que l’on observe les derniers temps une féminisation de ce sport. Je côtoie ici dans les installations du club Los Naranjos, de plus en plus de femmes qui se mettent au golf. Au niveau professionnel aussi, il y a des améliorations. On dénombre de nombreux tournois organisés pour la gente féminine. Les trois dernières années, dieu merci, on note un réel changement et je crois que nous avons un rôle à jouer afin que la Liga féminine soit réformée. Des aménagements doivent être pensés et de nouvelles choses doivent être mises en place ; il ne faut pas espérer que les hommes le fassent pour nous. Nous devons réformer ce milieu et, nous les femmes, changer également notre mentalité dans ce sens. Il faut aussi compter sur l’appui de la Fédération, les collèges, les professionnels,… Cette année, on est passé à 27 tournois pour La Liga féminine, c’est un record. D’ailleurs, c’est ici, à Los Naranjos, que s’organise la finale de La Liga. On constate également que les médias attachent de plus en plus d’importance aux golfeuses.



On peut aussi constater que les joueuses sont aussi de plus en actives sur les réseaux sociaux où elles partagent leur passion.

Elles ont de plus en plus de visibilité ; elles sont omniprésentes sur les comptes Instagram ou Facebook. Cela aide bien entendu à ce que le public voie la réalité de ce monde. Ils peuvent constater au travers de ces photos véhiculées par ces joueuses professionnelles qu’elles ne voyagent pas en avion privé.

Il reste donc d’importantes inégalités salariales entre les femmes et les hommes.

Oui, en effet, il ne faut pas se leurrer ; il subsiste un déséquilibre au niveau des salaires. Une joueuse professionnelle ne peut espérer qu’un dixième de ce que peut gagner son homologue masculin.

Vous avez vécu ces différences, il est donc extrêmement compliqué de se maintenir au sommet en tant que joueuse, plus que comme joueur ?

Clairement. Sans langue de bois, c’est d’une injustice évidente. Je me rappelle d’un tournoi en France ; nous étions 4 joueuses professionnelles à nous y rendre en petite voiture, avec nos 4 sacs de golf. Faire plus de mille kilomètres dans ces conditions n’est certainement pas un avantage. Onze heures de route, cela épuise, même si cela forge le mental et te donne la niaque. En comparaison, les garçons eux, voyagent en business, sont logés dans des hôtels de grand luxe. En ce qui nous concerne, c’est plutôt un petit appartement Airbnb partagé. Il ne faut pas se voiler la face, cela reste un sport où règne malgré tout une suprématie masculine.

Comment passe-t-on, Patricia, de la passion à un niveau professionnel ?

Tout d’abord, il faut vraiment que ce sport représente tout pour toi. Que tu aimes jouer mais à un point assez indescriptible. C’est la condition sine qua non pour espérer percer dans ce monde difficile.

Beaucoup de sacrifices aussi, je suppose…

Pas vraiment. Bien entendu, tu joues tous les weekend en lieu et place de passer du temps avec ta famille et tes amis. Tu dois avoir une hygiène de vie qui t’empêche de vivre « normalement ». Mais je ne le vois pas comme un sacrifice car le golf et moi, c’est une histoire d’amour et quand on aime, on ne compte pas. Dès lors, il m’est impossible de parler de sacrifices. Je ne me suis jamais sentie mal de passer un week-end entier à m’entraîner pour la préparation d’un tournoi. Mes parents m’ont beaucoup aidé. Par contre, pour eux qui ne sont pas passionnés, cela n’était pas tous les jours simples mais ils m’ont soutenue. Financièrement aussi, ils étaient là, avant que la Fédération ne me vienne en aide. Il faut atteindre un certain niveau avant de pouvoir espérer cette aide.

En lien toujours avec cette notion de sacrifice. Une femme qui se lie de passion avec ce sport et qui décide d’en faire son hobby, doit jongler avec vie de famille, professionnelle et ce sport est un sport chronophage.

C’est vrai que ce sport doit se moderniser. Je m’explique, il doit se calquer sur notre manière actuelle de vivre. S’inscrire à un tournoi de golf qui dure 6 heures, c’est complexe, même en tant qu’amateur. On constate donc de plus en plus des rencontres sur des parcours de 9 trous. Au niveau professionnel aussi, sur le tour européen, ils font également des propositions pour réduire les parcours. L’an dernier, un premier tournoi officiel du Tour Européen de 6 trous a été organisé. *



 

Heureuse donc d’être de retour sur la Costa del Golf. Le sud de l’Espagne a de plus en plus de succès auprès des golfeurs.

En effet, je suis très heureuse d’être de retour au soleil. C’est un réel plaisir de jouer tout au long de l’année. Le golf s’est aussi démocratisé ici en Espagne ; c’est plus accessible d’y jouer. Les parcours sont aussi superbes ! Prenons celui où nous nous trouvons par exemple, Los Naranjos. Robert Trent Jones a créé un 18 trous ludique, on peut s’y divertir mais aussi se heurter aux difficultés qu’il propose avec des coups longs et bien plantés ; avec une partie technique et une partie « détente ». Le tout, dans un environnement fantastique. L’Andalousie attire les golfeurs car en plus des nombreux parcours et du soleil omniprésent toute l’année, on y trouve une gastronomie exceptionnelle, un patrimoine culturel et historique impressionnant. Vous jouez au golf à Marbella aujourd’hui et le lendemain vous visitez Séville qui est à deux heures de route ou Grenade à une heure trente. C’est vraiment une destination touristique fantastique. C’est un paradis ici, j’y reste! Ce n’est pas pour rien que la prochaine SOLHEIM CUP se déroulera, pour la première fois en Espagne, en 2023 au Finca Cortesin Golf Club de Casares. Tout le monde ici est en effervescence car cet événement va attirer encore plus de monde sur la Costa del Sol.

La crise sanitaire a eu cette conséquence inattendue de voir affluer les nouveaux adeptes sur les greens.

C’est en effet une des conséquences positives de cette crise difficile que nous traversons. Il y a de plus en plus de licenciés à la Fédération de Golf. C’est pratiquer un sport à l’air libre en toute sécurité. Cette activité saine attire de plus en plus de nouveaux sportifs. Dans le club où nous nous trouvons, l’affluence est supérieure à celle de 2019, même avec les restrictions qui y étaient appliquées. C’est impressionnant.

En conclusion, Patricia, golf un jour, golf toujours ?

Oh oui, c’est un sport merveilleux. Je suis tellement heureuse de la tournure qu’a pris ma vie dans ce monde sportif. C’est un sport sain pour tous. La quantité de bienfaits que ce sport a pour ceux qui le pratiquent est innombrable : une sensation de détente, un impact sur la santé, le corps et l’esprit. On exerce notre patience, on améliore notre concentration et on apprend à mieux se connaître. Tout cela, j’essaie de l’inculquer à mes élèves. Les jeunes prennent confiance et cela est bénéfique pendant certaines périodes difficiles qu’ils peuvent traverser comme l’adolescence.