Alors que la période hivernale débute, une des grandes traditions espagnoles fait également son grand retour, quelques jours avant Noël. « El Gordo » capte l'attention de millions de personnes à travers le pays tout entier. Lors d’un tirage de plusieurs heures, le pays est à l’arrêt, fixé devant la télévision. Cette loterie est la lueur d’espoir de meilleures conditions de vie de beaucoup d’Espagnols qui s’arrachent ces tickets exceptionnels vendus plus de 20 euros l’unité. Esprit Sud Magazine revient sur l'histoire fascinante d’« El Gordo », quelles sont les traditions qui y sont liées, quel est son impact sur la société espagnole et enfin quel est son rôle dans les célébrations de Noël.
L'histoire d'El Gordo nous ramène au début du XIXe siècle avec un premier tirage réalisé le 4 mars 1812 à Cadix. Il est réalisé l’année où l’Espagne a obtenu sa première constitution et ne se déroulera à Madrid que deux années plus tard, après avoir fait un passage par Ceuta, ville indépendante espagnole sur le territoire africain. Ce n’est pas la première loterie car dès 1763, le Roi Charles III (Carlos III) avait instauré la « Loterie Royale », future « Loterie Nationale » que l’on connaît aujourd’hui. A l’origine, chaque billet était divisé en quarts et non en dixièmes comme c’est le cas aujourd’hui. Depuis plus de deux siècles, ce tirage au sort est devenu une tradition incontournable pour de nombreuses familles espagnoles.
Le tirage a lieu chaque année à la même date, le 22 décembre. Il est diffusé tant à la télévision qu’à la radio. Quand la cérémonie débute, se créée une atmosphère particulière dans les chaumières, les cafés et les entreprises. Tout le monde est suspendu à ce tirage et espère décrocher le pactole. La loterie est gérée par le gouvernement espagnol, par « Las Loterias y Apuestas de Estado », organisme dépendant donc du trésor public, ce qui ajoute à cette grande fête populaire très attendue une dimension officielle. « El Gordo » est considéré comme la plus grande tombola au monde en regard de l’ampleur des gains mais aussi de la participation qui atteint chaque année des records. Depuis l’époque de Charles III, une sélection d’élèves est effectuée d’un seul et même collège. L’établissement de San Ildefonso était un orphelinat jusqu’à l’année 1981 avec cette volonté, dès ses origines, d’avoir recours à des orphelins appartenant à une institution de l’état et « à la main innocente ». Il faudra attendre 1984 par exemple pour voir les fille chanter les numéros gagnants. Une sélection de 32 étudiants est réalisée chaque année afin que tout soit parfait le jour du tirage.
En ce qui concerne les billets divisés en dix coupons (10 sous-billets détachables que l’on appelle également les « décimos »), ils portent tous une combinaison de 5 chiffres. Ceux-ci sont souvent partagés entre les membres d’une même famille, entre amis et entre collègues de travail, ce qui renforce aussi le sentiment de communauté et de partage pendant les fêtes. En plus de créer une excitation palpable pendant la période des fêtes, la loterie contribue également à l'économie locale. Les ventes de ces billets débutent des mois à l'avance (les premières affiches annonçant la vente des tickets sont placardées dès le début de l’été, ils sont vendus en effet dès le 1er juillet. C’est l’affluence à chaque fois et cette vente génère des revenus considérables pour les détaillants de loterie, ce qui soutient par la même occasion l'économie locale et nationale. Dès la mise en vente, c’est parfois des files de plus de 100 mètres devant les kiosques à billets qui sont observées. De plus, cette loterie qui précède Noël a souvent été le cadre de belles histoires, plus émouvantes les unes que les autres avec de gagnants qui utilisent leurs gains pour aider leur communauté ou une cause précise. Ce facteur renforce de cette manière le lien entre El Gordo et le sentiment de générosité qui caractérise la saison des fêtes.
Cette tradition est bel et bien ancrée dans l'histoire du pays et crée une ambiance festive tout comme un sentiment d'espoir. Chaque année, c’est le même succès avec des millions d'Espagnols qui participent à cette célèbre loterie, espérant que la chance sera de leur côté pendant la période des fêtes. El Gordo est devenu une partie indissociable de la célébration de Noël en Espagne, unissant les gens dans l'esprit de la générosité et du partage.
Quant au tirage et les règles qui le définissent, ils sont uniques en leur genre et se distinguent des autres loteries dans le monde. Le tirage en grande pompe se déroule dans le Théâtre Royal de Madrid. Les Madrilènes peuvent y assister et se pressent pour l’ouverture des portes à 08h00 le matin (l’accès est gratuit, on laisse entrer les spectateurs jusqu’à ce que la salle soit comble). Le tirage débute à 08h30 précises et durera minimum 3h00. Deux immenses boules contenant les numéros sont placées sur la scène principale (la première annonce les séries et la seconde, les numéros). Les numéros gagnants sont chantés par les enfants selon cette même tradition remontant à 1771. C’est Diego Lopez, un jeune étudiant qui le 9 mars de cette année, a chanté les premiers numéros gagnants de cette célèbre loterie.
Un nouveau record de vente devrait être atteint cette année, comme c’est traditionnellement le cas. Alors, cher lecteur, allez-vous être gagné par la fièvre de cette loterie légendaire?