Il faut prendre la direction du cœur des collines ensoleillées de l’Axarquía ou encore, celle de Manilva (même si zone où production plus discrète), pour découvrir que s’y cultive un produit qui appartient à l’histoire, à la culture et au paysage andalou. Le célèbre raisin moscatel de Málaga est bien plus qu’un fruit séché, il est une tradition ancestrale transmise de génération en génération, symbole d’un savoir-faire artisanal qui lui vaut aujourd’hui une reconnaissance internationale.
Protégé par une appellation d’origine et inscrit depuis 2017 au patrimoine agricole mondial de la FAO, ce délicieux raisin ne peut s’obtenir que d’une seule façon. Les grappes doivent être déposées sur les typiques « paseros », ces terrasses de pierre ou de sable que l’on aperçoit sur les coteaux escarpés et qui intriguent. Le soleil et le vent accomplissent leur œuvre durant une dizaine de jours, parfois quinze, et chaque grappe est retournée à la main avec précision pour assurer un séchage homogène. Ni trop tôt, quand le grain est encore juteux, ni trop tard, quand il devient trop sec. Seules des mains expertes savent reconnaître le moment parfait pour offrir un raisin délicieux faisant chavirer les cœurs.
Ce processus exigeant donne naissance à un raisin unique, charnu et brillant, qui conserve toute la personnalité de la « uva moscatel » d’Alexandrie. Son histoire remonte à l’époque romaine et a connu son apogée au XIXe siècle, avant que la phylloxera ne dévaste malheureusement les vignes. Sous l’empire de l’Al-Ándalus déjà, les raisins secs de la région jouissaient d’une grande renommée et étaient exportés dans toute l’Europe aux côtés des vins doux de la même variété.
Aujourd’hui, la production décline, concurrencée par les raisins secs étrangers sans pépins et fragilisée par les maladies de la vigne. Pourtant, le raisin moscatel reste une véritable perle gastronomique. Ses vertus nutritives sont nombreuses, avec une richesse en fibres, vitamines et minéraux, un apport énergétique idéal pour les sportifs, une action bénéfique sur le système immunitaire et une capacité à réduire le mauvais cholestérol.
Une fois séchées, les grappes sont triées dans les lagares. Les grains sont détachés un à un à l’aide de petits ciseaux dans un travail minutieux qui encore aujourd’hui réunit les familles entières. Certaines grappes sélectionnées sont vendues entières dans les traditionnels « chotos » ou « catites », petites boîtes qui mettent en valeur leur forme et leur taille. Cinq catégories existent, de la plus belle, dite extra, à la plus petite, destinée souvent à des usages secondaires.
Au-delà de son goût délicat et de sa texture charnue, le raisin moscatel incarne un mode de vie. Il témoigne d’un paysage façonné par l’homme et la nature, de la patience des viticulteurs qui le protègent et d’une culture qui unit terroir et patrimoine. Alors précipitez-vous cher lecteur, car la production est chaque année un peu plus limitée et il n’y en aura pas pour tout le monde…