Le talentueux Mustii au service du royaume !

Rédigé le 03/05/2024
Frederic André


Mustii a enfin dévoilé “Before The Party’s Over”, la chanson qui représentera la Belgique à l’Eurovision cette année. Cette « ode à la vie et à la résilience » lui ressemble bien plus qu’elle n’est un pur produit « Eurovision » et on s’en réjouit. 38 ans plus tard, l’artiste bruxellois nous propose donc la version sombre de « J’aime la vie » et pourrait déjouer tous les pronostics. Le poids est lourd sur ses épaules tant il ne veut pas décevoir son pays avec ce message d’ouverture qui invite à s’assumer pleinement.

Le parcours de Thomas Mustin, le vrai nom de Mustii, s’accélère dès la fin de ses études de cinéma. Dans "Je voulais juste rentrer chez moi" pour France 2, Thomas Mustin crève l'écran, aux côtés d'une Mathilde Seigner très convaincante. L'acteur est brillant, donnant toute l'authenticité, l'intensité et l’émotion nécessaire à ce rôle compliqué. Le cinéma voit en Thomas Mustin un acteur talentueux et ce dernier multiplie les rôles (dans « Grave », « Un Petit Boulot », « Vous n’aurez pas ma haine » ou encore «L'échange des Princesses» pour lequel il décroche le Magritte du Meilleur Espoir Masculin du Cinéma Belge).

Après deux albums, de nombreuses pièces de théâtre, des rôles marquants au cinéma et au petit écran et également une récréation qu’il s’est offerte dans « Drag Race Belgique » où il est membre du jury, Mustii se prépare à vivre trois mois intenses qui le conduiront sur la scène de la Malmö Arena en Suède où il défendra début mai les couleurs de la Belgique. Quant au morceau «Before The Party’s Over», il s’avère addictif et plus on l’écoute plus on réalise la puissance et la force tant de la mélodie que des paroles, des qualités qui peuvent le conduire à séduire la large audience de ce show mondial. Alors, 2024, une année Mustii?


Bonjour Mustii, comment vous sentez-vous, quelques heures seulement après avoir dévoilé ton titre « Before The Party’s Over » ?

Je suis un peu submergé par les émotions car c’est très fort, très intense depuis le lancement de la vidéo. Les retours sont vraiment très positifs et je puise dans mes réserves face à toute cette belle énergie. En même temps, j’essaie de ne pas trop m’emballer non plus et je reste concentré car la route jusque Malmö est longue. Il faut garder les pieds sur terre par rapport au travail qui reste à faire. Je suis content de l'accueil réservé à la chanson, les réactions sont très touchantes. Certains m'ont envoyé des messages pour me dire que cette chanson tombe au bon moment dans leur vie, qu’ils peuvent s'y projeter. C'est un partage d’émotions fortes

 

Ce sont en effet trois mois intenses qui vous attendent, rythmés par cette chanson “Before the party’s over”, une collaboration avec l’auteur compositeur liégeois Pierre Dumoulin qui a travaillé notamment avec Blanche pour “City lights”. Vous nous expliquez l’histoire de cette chanson, le message qu’elle comporte?

La chanson peut être lue de manière différente. Le thème principal c’est bien évidemment la résilience. Je me suis inspiré d’une pièce dans laquelle j’avais tenu un rôle lors de la fin de mes études de théâtre à l’IAD. Il s’agit de cette œuvre de Anton Tchekhov, « Les trois sœurs », où à la fin, Macha l’une des trois sœurs dit de la vie qu’elle peut être violente, qu’on ne comprend pas tous les tenants et les aboutissants, mais qu’il faut vivre. J’aimais ce contraste entre ce constat mélancolique, inquiet des choses, un chemin semé d'embûches et de moments violents mais en même temps, il est possible d’encaisser, on parvient à lutter et donc on n’a pas le choix, il faut vivre.

A-t-on véritablement le choix ? Il faut vivre de la manière la plus intense possible, c’est ça le message…

Exactement, il faut essayer de se libérer de ses chaînes et crier au monde qui on est vraiment sans avoir peur. Et c'est vraiment le message que je voulais donner parce que malgré l'aspect un peu mélancolique et sombre que cette chanson peut avoir, je pense qu’il y a une force vitale qui émerge à la fin et c’est vraiment ce que je voulais avec un côté épique, voire dramatique.

Cette force de vivre et l’urgence, aussi, qui est répété, martelé dans cette chanson …

C’est un véritable cri, je le répète, avec ce sentiment d’urgence. Et ce « Before », c’est l’avertissement, on n’a pas le temps de faire des détours ou de se cacher, pas le temps non plus de revêtir une armure… Le parcours est certes, compliqué, mais il faut chercher son feu intérieur et le montrer. Je trouve que ce message est symboliquement fort, vraiment puissant pour une scène comme celle de l'Eurovision. Et toutes ces voix à la fin avec les phrases répétées avec les différents accents, je trouve cela très beau, très touchant…

En plus, cette chanson s’intègre parfaitement dans le thème de cette année à l’Eurovision qui est « United by Music ».

Oui avec toutes ces personnes du monde entier qui prononcent ces phrases, j’étais vraiment ému d’entendre tous ces accents, sur ces paroles « I got the soul on fire », « I’m gonna make moves tonight » qui se répètent. C’est un véritable hymne à la vie.

Vous succédez à l’Anversois Gustaph qui a décroché la septième position et a aussi placé haut le curseur de la gay attitude l’an dernier. Vous savez que l’Eurovision c’est une chanson mais c’est aussi tout un univers, un costume, des chorégraphies, une mise en scène, « Before The Party’s Over » est parfaite pour cocher toutes ces cases.

Bien entendu, d’ailleurs pour tous mes projets musicaux, j'ai en tête un univers. Faire de la musique pour moi, c’est aussi puiser dans le théâtre, le cinéma, c’est de l'acting. Cela me vient généralement dès le début du processus en fait. Et là en plus quand j'ai su que c'était pour l’emmener à l'Eurovision, ça fuse dans tous les sens. Dès le début, je passe par un moodboard 1 avec ce que j'imagine comme types de couleurs ou comme types de mises en scène.

A quoi peut-on s’attendre, tu vas nous en dire un peu plus sur ce qui nous attend pour ta performance à l’Eurovision ?

C’est un peu tôt pour révéler les détails mais ce que je peux vous dire c’est que différents indices se trouvent dans le clip. Il y a la chanson mais il y aura un univers pour le « staging », car cela doit être accrocheur, visuellement parlant. On gagne aussi ce concours pour ces éléments- là. Dans la mise en scène, il y aura aussi cette espèce de montée en tension pour, au final, lâcher les chiens. Ce sera tout sauf un encéphalogramme plat. Le challenge sera aussi de traduire esthétiquement et artistiquement la chorale qui ne peut pas m’accompagner sur scène.


Qu’est-ce qu’évoque pour vous ce concours ? Vous n’étiez pas encore né quand en 1986 Sandra Kim remporte pour la seule et unique fois le concours pour la Belgique...

Le concours, je le regardais avec mes parents quand j'étais petit. Puis, j'avoue avoir un peu perdu le fil et j'ai repris, de manière plus assidue, il y a 3 ou 4 ans. Il y a eu notamment cette performance incroyable de Maneskin pour l’Italie en 2021. Je les sentais tellement libres sur scène, ils ont livré quelque chose de puissant, de tellement authentique. Ça m’a vraiment donné l’envie d'y aller. Je suis plus séduit par cette manière d’envisager le concours par rapport à une approche plus kitsch. D’ailleurs, les dernières années, c’est devenu un show exceptionnel et musicalement, c’est hyper intéressant

C’est vrai, les pays prennent cela avec beaucoup de sérieux et les sélections nationales sont très suivies. Ici en Espagne, le Benidorm Festival ou le Festival San Remo en Italie sont des événements extrêmement suivis.

Très clairement, je suis d'accord avec toi et puis il y a un beau challenge ici en Belgique, pays assez compliqué avec les différentes communautés. Je trouvais intéressant d’y aller avec cette idée d'unité. Prenons mon équipe créative, elle est composée de Flamands, de Bruxellois et de Wallons. C’est pour moi symboliquement fort, montrer cette belle unité

Sans transition, quoi que, quelles ont été les raisons qui vous ont conduites à devenir juge dans Drag Race Belgique?

Tout d’abord, je suis un grand fan du milieu Drag. Je vais souvent voir des spectacles au cabaret Mademoiselle de Bruxelles. J’aime ces artistes, je les trouve inspirantes. Elles doivent tout maîtriser et elles gèrent les références Pop Culture comme personne. Elles sont les reines de l’acting, de l'humour, de la danse, de la mode et donc pour c'est pour moi, en tant qu'acteur et musicien, extrêmement inspirant. Je suis aussi un spectateur de base et les yeux écarquillés sur le plateau, je suis comme un enfant dans un magasin de jouets. Pourtant, à la base, je m'étais toujours dit que je ne ferais jamais une émission de téléréalité, car ce n'est pas mon truc.

Par pudeur ?

Voilà, c'est ça et dans ce cas le fait effectivement qu'il y ait un plus, le côté social, l’approche extrêmement humaine, cela est énorme. Les valeurs, l’intégration, l’acceptation, tout cela est délivré au mainstream, au grand public. C’est donc pour moi bien plus qu’une téléréalité, c’est une manière d'entrer dans les foyers de monsieur et madame tout le monde et de leur montrer qu’il existe des parcours différents. Et puis, les jeunes peuvent aussi s’identifier, ils savent qu’ils ne sont pas seuls.

Connaissez-vous Torremolinos? La station balnéaire sera la capitale Euro Pride en 2027.

Non, je ne suis jamais allé à Torremolinos, mais je connais la chanson de Sttellla, elle est très connue en Belgique. Mais j’accepte ton invitation.

La chanson « Before The Party’s Over » ne se veut pas être hymne gay mais a tout pour le devenir.

Oui car les thèmes qui y sont développés peuvent parler à la communauté LGBTQIA. En 2024, c’est terrible car il y a encore des jeunes qui sont rejetés pour l’orientation sexuelle. Il y a un refuge 1 qui a été créé à Bruxelles, accueillant des jeunes rejetés. Expliquer pour rendre visible... Il y a encore beaucoup de travail.

Artiste androgyne, David Bowie est d’une grande influence pour vous, notamment ce fut le cas dans la composition de votre album ”It’s Happening Now”. Vous en parlez assez régulièrement avec ce parallélisme entre vous et l’artiste avec la schizophrénie dont souffrait votre oncle et celle qui a touché son frère. Qu’est-ce qui vous fascine tant dans l’univers de Bowie ?

J’aime tout d’abord le fait que cet artiste est toujours sorti de sa zone de confort, en transformation permanente. Il peut sortir un album de rock industriel et puis deux ans plus tard un truc de drum and base pour finalement, l’année suivante revenir à une création POP commerciale. J’aime sa position d’électron libre qui utilise les outils artistiques en donnant l'impression que tout est possible. Et puis, il y a l’univers Bowie, avec la transformation et bien entendu cela me parle aussi car je viens de l'acting, du cinéma, du théâtre.

Quel est l’album de Bowie dont tu ne pourrais te passer ?

Un album que je trouve incroyable, qui va rester, je pense, même si ce n’est pas le plus accessible, c'est « Outside ».

Excellent choix, une dernière question côté ciné, cette fois, vous serez à l'affiche du prochain film de Michiel Blanchart, “La nuit se traîne” aux côtés notamment de Romain Duris. Vous pouvez nous en dire plus sur le rôle que vous allez interpréter.

Je jouerai un vrai sale type et j'aime bien ce type de rôle. C'est ce que je préfère, ici, cheveux rasés, grills en métal dans les dents, on me demande de me salir dans un champ, d'être à l'opposé de ce que je suis. Et là, pour le coup, on est à l’opposé de Drag Race, c’est le grand écart (rires). Je l'ai fait aussi parce que le scénario est très bien écrit. C’est un thriller qui se déroule la nuit, une véritable descente aux enfers. Mon personnage n’aurait jamais dû mettre les pieds dans un engrenage et tout le film tourne autour de cette chute durant une nuit entière.

Merci Mustii, nous croisons les doigts pour la Suède et bon travail pour la préparation du concours.