Le tour du monde, il y a 500 ans, exactement

Rédigé le 08/09/2022
Frederic André

Le premier tour du monde de Juan Sebastián Elcano fête cette semaine ses 500 ans… l’occasion pour Esprit Sud Magazine de revenir sur cette fabuleuse épopée qui nous ramène à l’époque où Séville dominait le monde. 

Embarquons dans la machine à remonter le temps et remontons au 20 septembre 1519. Dans le port de Sanlúcar de Barrameda, 244 hommes grimpent à bord de cinq navires qui partent pour une expédition légendaire. 

En tête de cette flotte, parrainée par le roi Charles Ier d’Espagne, on retrouve Ferdinand Magellan, un marin chevronné qui avait servi notamment le Portugal dans l’épisode de la conquête de la Malaisie et qui avait joué un rôle primordial aux Moluques.



C’est le 6 septembre 1522, un peu moins de trois ans plus tard que Nao Victoria, l’un des navires appartenant à cette expédition, arrivait au port de Sanlúcar de Barrameda avec seulement 18 hommes à bord. À la manœuvre, Juan Sebastián Elcano. Dès qu’il toucha la terre, il fit parvenir au monarque ce message, hautement symbolique: “majesté, nous avons découvert et pu constater toute la rondeur du monde, en partant vers l’occident et en revenant par l’orient"

Le navigateur, survivant, avait pleine conscience de l’exploit insolite qu’il venait d’accomplir avec ses hommes. Ils venaient de faire le premier tour du monde et oui, la terre était bel et bien ronde. 

Les objectifs de cette expédition étaient multiples. Tout d’abord la Castille était à la recherche d’un passage potentiel qui permettrait de naviguer dans le Pacifique. Déjà à l’époque de Christophe Colomb c’était un objectif et cela fut également confirmé quelques années plus tard par Vasco Núñez de Balboa. Il traversa pied l’isthme de Panama et découvrit cet océan qu’il nommera “Mer du Sud” en 1513. 

Un autre espoir intéressait celui des fortunes et richesses présentes dans les îles situées au sud des Molusques, notamment dans celles de l’Especiería. Les Espagnols connaissaient les intentions de la Couronne du Portugal qui multipliaient en Asie les expéditions afin de conquérir des îles gorgées de richesse. 



À cette époque du début du XVème siècle, Séville était une ville de grande splendeur. Les Rois Catholiques y géraient le trafic vers les Indes. Dans la ville, s’organisait une logistique implacable et une gestion des épices et autres trésors provenant des “autres mondes”. 

Dans notre capitale andalouse, se concentraient de nombreux marins expérimentés. De nombreux écrits sur l’exploration des océans trouvent leurs origines dans la célèbre ville. De nombreuses rencontres capitales y ont eu lieu. À Séville, Magellan fera la connaissance de Rui Faleiro le Portugais. Il le convainc de se joindre à lui. 

Ce n’est que le 22 mars 1518 que le roi Charles Ier, prend au sérieux la proposition de voyage du duo Magellan-Faleiro. Ce sera Ferdinand de Magellan qui sera le capitaine général de la flotte composée de cinq navires. Et bien entendu, la Couronne supportera les coûts de cette expédition. Charles Ier souligna parmi les nombreuses clauses du voyage (74 au total) que cette expédition devait éviter l’”hémisphère portugais”. Pendant tout le printemps et l’été de l’année 1518, les préparatifs vont bon train. 

Manuel Ier du Portugal qui avait eu vent de cette expédition tenta de l’empêcher. Il débuta une campagne visant à jeter le discrédit sur Faleiro-Magellan. Ceci peut expliquer le faible nombre de Portugais à bord des cinq caravelles. 



Les navires étaient fin prêts à rejoindre les océans. Magellan est le capitaine du navire “Trinidad”. Le roi désignera comme capitaines des autres navires, des chevaliers nobles castillans comme Juan de Cartagena ( à la tête du navire « San Antonio »), Gaspar de Quesada (pour le navire « la Concepción »), Luis de Mendoza (à bord de « la Victoria ») et Juan Rodriguez Serrano (à la barre du « Santiago »). 

À cette équipe va s’ajouter un personnage capital, le grand protagoniste de cette fantastique expédition, le marin basque (originaire de Getaria) Juan Sebastián Elcano. Il coordonnera les équipes du navire « la Concepción ». 

Son expérience est précieuse pour la troupe. Il avait servi dans les campagnes d’Oran et de Tripoli, il avait aussi été capitaine lors des guerres d’Italie. Il n’avait pas perçu les récompenses promises pour ces loyaux services et avaient dû à son retour, emprunter auprès d’usuriers en Savoie et était complètement endetté. Recherché par la justice, il décide de s’engager pour racheter sa dette. 



Un autre personnage qui jouera un rôle capital dans cette expédition est Gonzalo Gómez de Espinosa. C’est lui qui deviendra capitaine du navire de Magellan lors du décès de celui-ci. 

Sous son commandement, les décisions furent prises conjointement avec Elcano et d’autres hommes comme Jean-Baptiste de Punzorol et Martin Menéndez. Cependant, une défaillance de son navire, « la Trinité », obligea Gonzalo Gomes se Espinosa à retourner en Espagne via le Pacifique et il fut fait prisonnier par les Portugais sur son trajet vers la péninsule ibérique. Il n’y reviendra finalement qu’en 1527. 

Ces personnages au pied marin réussiront donc l’impossible. 

 

Le 10 août 1519 débute réellement le voyage. 

C’est la date à laquelle part le premier navire de Séville. Il emprunte le Guadalquivir, le fleuve légendaire. Les 4 autres vaisseaux feront de même les jours suivants. Ils se réunissent à Sanlúcar de Barrameda. 

Le 20 septembre, à l’embouchure du fleuve, démarre l’expédition. Direction Ténériffe, en avant toutes! 

L’étape suivante consiste à longer la côte nord de l’Afrique jusqu’à la baie de Sainte-Lucie, virer à l’ouest et puis longer la côte du Brésil. Plein sud ensuite jusqu’au Río de la Plata. Ensuite, c’est l’inconnue qui se présente aux marins car personne n’était jamais parvenu à atteindre ces territoires inconnus, sous ces latitudes. Magellan décide alors de s’y arrêter et de passer l’hiver dans un lieu qu’il baptise Port de Saint Julien. Une première mutinerie éclatera car les autres capitaines ne partagent pas ce choix. Gonzalo Gómez de Espinosa tue Luis de Mendoza, Gaspar de Quesada est également exécuté et Juan de Cartagena est banni, les « esprits sont calmés ». Ce même hiver, la flotte est réduite à 4 vaisseaux car lors d’une forte tempête, « le Santiago » s’échoue. 



Après cette période de repos et de tensions, l’expédition reprend le 24 août 1520. Le 21 octobre 1520, les navires atteignent le Cap Vierge, en bordure de l’Amérique. L’endroit deviendra plus tard le détroit de Magellan. 

Le navire « San Antonio » quant à lui, en difficulté reprendra la route vers l’Espagne. Son aventure se termine le 28 novembre 1520, alors que les trois derniers vaisseaux débouchent sur ce qu’ils appelleront l’Océan Pacifique. 

Ils ont débuté cette expédition plus d’une année auparavant et les marins endurent des conditions extrêmement pénibles. Cette traversée est combinée à une pénurie d’eau et de nourriture. Enfin, le 6 mars 1521, ils rejoignent la terre. C’est l’île de Guam qui les accueille. L’équipage lui donnera le nom de la « isla de los ladrones » ( l’île des voleurs) en raison du comportement des habitants de l’île.

L’expédition s’enfonce alors dans les Philippines. Magellan y perd la vie lors de la bataille de Mactán en avril 1521. 26 marins seront exécutés. L’équipage total est réduit à 117 hommes. La décision est prise, on brûle « la Conception » et on répartit les hommes dans les deux derniers navires, « la Trinité » et « la Victoire ». 

Mais la trajectoire choisie par le nouveau capitaine, Lopes de Carvalho, est incertaine. Le 9 juillet 1521, les deux navires arrivent à Brunei. L’équipage se rebelle et désigne un autre capitaine face aux hésitations du précédant meneur. C’est Gómez de Espinosa qui mènera les troupes et Elcano prend la barre de « la Victoria ». 



Ils atteignent Tidore, îles d’Indonésie, dans la Mer des Molusques. Les marins entretiennent de bonnes relations avec les autochtones et les navires sont chargés d’épices. Ils se savent poursuivis par les Portugais et « la Trinité » commence à montrer des faiblesses. Le navire reprend la direction de l’Espagne et « la Victoria » continue le voyage. 

Elcano est à la barre et s’apprête à réaliser le tour du globe. 

Le 21 décembre, le navire et ses 47 membres d’équipage, prennent la mer avec la Croix de Santiago dans les voiles. Ils traversent Timor et arrivent au Cap-Vert le 10 juillet 1522. 

Une traversée qui durera 6 mois, un passage par le Cap de Bonne-Espérance, une véritable mission « suicide ». Désespoir, faim, soif, ils finissent par se ravitailler au Cap Vert, avant de reprendre la mer le 13 juillet 1522 avec pour objectif de rejoindre Sanlúcar de Barrameda en ayant à leurs trousses, les navires portugais. 

Le 6 septembre 1522, il y a donc exactement 500 ans, après avoir traversé Les Açores, Elcano arrive avec 17 marins affamés et épuisés en Espagne et pose le pied sur la terre ferme. Ils sont parvenus à réaliser un exploit de taille, ce tour du monde. 

Selon certaines sources, à bord de « la Victoria », la faim était telle que les rats étaient devenus un mets apprécié par l’équipage.

Magellan n’a donc jamais réalisé ce tour du monde même si il y a participé. 

Juan Sebastián Elcano avait vu juste et les trajectoires choisies ont été les bonnes malgré les risques extrêmes.

C’est une aventure héroïque que l’on ne tentera que 60 ans plus tard, grâce aux rapports précieux de l’équipage de Elcano. 

L’Espagne avait réalisé un exploit. Une période faste avec aussi l’achèvement de la conquête du Mexique en 1521 par Hermán Cortés. Des exploits motivés tant par les richesses que par l’honneur et la gloire. La Couronne d’Espagne brille alors de mille feux et domine le monde.